Les MOOCs constituent aujourd'hui une préoccupation politique importante des sociétés contemporaines[1]. L'appel à contribution du congrès de la SFSIC en souligne les enjeux essentiels à la fois économiques, sociaux, politiques et de l'ordre de l'épistémologie des connaissances. Ils peuvent être compris notamment comme une alternative à l'offre de l'enseignement supérieur en présentiel perçue comme désuète, statique, peu adaptée et peu flexible.
Dans cette communication, nous proposons de développer une analyse en forme de contrepoint à cette vision sociale telle qu'elle est posée : évitant de considérer les MOOCs comme le nouvel eldorado, nous les considérons comme un dispositif venant questionner, bousculer, faire évoluer les pratiques d'enseignement en présentiel. Dans ce dernier cadre, les TIC sont de plus en plus présentes, essentiellement en termes d'équipement de la part des étudiants et d'accès au réseau fourni par les établissements d'enseignement supérieur. Mais au-delà de l'irruption de l'Internet dans la salle de cours et de l'usage du Power Point par les enseignements, quelle est la place des TIC dans la pédagogie développée en salle de cours, précisément dans les disciplines des SHS ? Elle est presque inexistante. Allons plus loin encore dans l'observation de la situation : l'accès à l'Internet par les étudiants dans les salles de cours ne fait le plus souvent que creuser le fossé avec l'enseignant. Car cet accès vient s'insérer dans un dispositif d'enseignement qui, lui, reste généralement traditionnel avec une hiérarchie, le contrôle, la sanction... L'écran s'est donc immiscé progressivement, sans bruit et sous différentes formes (ordinateur portable, tablette, smartphone) dans un cadre ancien. Ce faisant, l'espace du cours s'est transformé, comme naturellement, sans que les écoles, l'université, les instances ministérielles ou les enseignants aient pu réfléchir à cette évolution. Nous l'avons comme constaté un matin : les écrans étaient parmi nous.
Nous avons alors développé une recherche pragmatique et inductive en partant d'une double préoccupation : comment gagner en pertinence grâce à la présence des écrans – et non la subir ? Comment rendre accessible et permettre l'appropriation de la recherche en Sciences de l'Information et de la Communication aux étudiants de Master ?
Dans le cadre du programme de recherche DILUTE[2] (soutenu par la MSH Ange Guépin), nous travaillons à la structuration, l'évolution et l'application d'un outil spécifique de collaboration : Ezoombook[3], eZB, breveté par l'Ecole Centrale de Nantes. Le système eZB est la seule technologie de construction collaborative de document multi-échelle à partir d'un catalogue de ressources donnée qui existe à l'heure actuelle. Cet outil d'édition contributive est actuellement réalisé, mais à l'état de prototype.
Une première étape[4] a consisté à tester le principe de l'eZB auprès d'étudiants de différentes formations. Ainsi, plus de 120 étudiants du cycle master de SciencesCom (1ère et 2ème années) ont participé à cette expérimentation scientifique dans le cadre d'un cours intitulé : Théories en Sciences de l'Information et de la Communication. Ils ont été chargés de produire huit eZB en l'espace de trois mois à partir de la lecture d'articles scientifiques sélectionnés en fonction des thématiques du cours et de leur niveau d'accès en termes de lecture.
Nous proposons de revenir dans le cadre de cette communication :
1/. sur les apports pédagogiques de la démarche (acquisition de connaissances scientifiques ; approche de la démarche scientifique, de ses étapes et de son rapport à l'objet de recherche ; développement d'une réflexion épistémologique),
2/. sur le rapport des étudiants à l'outil eZB, son principe et ses fonctionnalités (à partir de l'analyse de données recueillies par questionnaire auprès de l'ensemble des étudiants),
3/. sur les perspectives d'application du principe eZB, tel qu'analysé, dans le cadre de la pratique collaborative via la plateforme,
4/. sur les questions de socialisation (entre étudiants et entre enseignants et étudiants), d'acculturation (à la recherche et au savoir), des pratiques professionnelles d'enseignement et enfin de construction, de circulation et de nature des connaissances que pose la formation par le numérique.
[1] Le gouvernement français se lance concrètement depuis quelques mois dans le développement de ce type de dispositif, tardivement comparé aux pays anglo-saxons notamment : « Lancement d'une deuxième vague de MOOCs, développement de MOOCs francophones, 8 millions d'euros consacrés au financement de l'équipement des campus en "fabrique de MOOCs" et au soutien à l'offre de MOOCs en formation continue : tels sont les points forts du plan d'action de G.Fioraso, présenté le 14 janvier 2014, pour développer les MOOCs en France. » Consultation du site (le 17.01.2014) : http://www.france-universite-numerique.fr/enjeux.html
[2] Dispositifs de Lecture et d'Usages des Textes pour l'éducation. Une collaboration entre cinq laboratoires régionaux (3LAM sur Le Mans/CREN sur Le Mans et Laval/CERIEC sur Angers/ECN-Audencia et IRDP sur Nantes) mettant en jeu quatre champs disciplinaires principaux (lettres et langues/sciences de l'éducation/sciences de l'information et de la communication/histoire) s'est mise en place récemment pour fédérer des recherches dans le domaine des humanités numériques.
[3] Voir notre blog : http://ezoombook.wordpress.com/research-potential/
Pour résumer, le dispositif appelé « ezoombook » est un outil pédagogique au cœur duquel se trouve la plateforme ezoombook permettant de créer, développer et de naviguer dans des documents interactifs à échelle multiple en utilisant un système de construction collaborative type « Wiki ». Le principe du format ezoombook est simple : il s'agit d'un support électronique (en format epub) qui offre la possibilité de passer d'une version abrégée d'un texte à sa version complète et inversement. Le dispositif offre donc une fonctionnalité « zoom avant » et de « zoom arrière » actionnable à tout moment dans la lecture d'un texte. Ce système suppose différentes versions d'un texte construites sur l'original et disposées en couches successives permettant au lecteur de « naviguer » aussi bien horizontalement que verticalement. La construction de ces versions successives s'effectue par l'intermédiaire d'un contributeur ayant accès à la plateforme ezoombook. La compétence requise pour effectuer ces contributions dépend de l'ouvrage original choisi. La création d'un eZB à partir d'un texte original représente une activité pédagogique possible à tout niveau. À partir d'un texte donné, les étudiants effectueront leur travail de sélection de citations et de rédaction de résumés. Ce travail s'appelle « eZoomLayer ».
[4] Cette première étape s'est déroulée en 2012 et 2013. La prochaine étape pourra être envisagée à partir de septembre 2014 avec l'utilisation de la plateforme eZB.
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