Problématique
En 1995, Pierre Lévy décrivait une administration qui « ne se sert généralement de l'informatique que dans le but de rationnaliser et d'accélérer le fonctionnement bureaucratique ». Son mode de gestion, lent et rigide, se réalise principalement par l'écrit statique et, rarement, l'administration expérimente des formes d'organisation ou de traitement de l'information innovantes, plus souples et interactives (Lévy, 1995). Aujourd'hui l'usage du site Internet est généralisé à l'ensemble des collectivités territoriales et la modernisation des administrations publiques au travers de modèles gestionnaires propres au « New Public Management » (Bartoli, 2009 ; Pesqueux, 2007 ; Osborne et Gaebler, 1993 ; Dunleavy, 1991) cherche plutôt à satisfaire une prestation de service de qualité à destination des usagers mais pas du citoyen. Or, ce statut de citoyen introduit une dimension collective dans la définition de ce qu'est un service public de qualité (Roux, 2010) qui ne doit pas seulement être bénéfique dans la vie personnelle de l'individu mais également dans sa vie collective. Il convient donc de penser une mission de service public qui ne soit pas seulement « informative », au sens des fonctionnalités offertes aux usagers pour leur éviter certains déplacements et lever des contraintes géographiques et temporelles (ibid). Il s'agira également de penser l'utilisation des TIC au profit d'une modernisation de l'action publique où la communication territoriale, rouage essentiel dans l'élaboration collective d'un projet de territoire et son ancrage durable comme référentiel identitaire et d'action (Gardère, 2007), vient constituer « une médiation entre les collectifs activement engagés dans l'élaboration du projet et les absents, contribuant à faire circuler l'information et à créer de l'identité » (Maurel, 2012). Le territoire numérique s'offre donc comme un nouvel espace de médiation entre une nouvelle génération « technophile » de citoyens, demandeurs de plus de réactivité et de simplicité pour effectuer leurs démarches administrative, et qui expriment sur les réseaux sociaux leur volonté de promouvoir leur territoire et revendiquer leur identité (Barabel et al., 2010).
Objet de recherche
La recherche doctorale que nous menons fait l'objet depuis octobre 2012 d'un contrat de partenariat scientifique entre la région Provence-Alpes-Côte-d Azur (PACA) et la mairie de Vitrolles et a pour objet de recherche l'organisation, notamment au moyen des technologies numériques, de la participation du public profane par les collectivités territoriales engagées dans les nouveaux dispositifs participatifs de développement durable (type agenda 21 local ou plan climat énergie territorial). Il s'agit là d'analyser la participation des publics, notamment à l'aune d'une nouvelle culture digitale émergente dont les pratiques créatives de « remixage » et recherches d'informations fortuites se confrontent obligatoirement à la démocratisation des fonctions « curatoriales » et un positionnement des producteurs de contenu au travers des différents espaces de sociabilités offert par le Web. De manière générale, l'engagement, divers et varié, des acteurs territoriaux sur le web nous invite à (re)penser l'utilisation des TIC au profit d'une modernisation de l'action publique et en vue d'organiser la médiation entre les acteurs pour qu'ils participent au projet.
Référence théorique
A l'heure où les mutations culturelles liées au développement des TIC et où les nouvelles formes d'affrontements indirects résultant de cette évolution technologique sont encore mal identifiés par les acteurs du territoire, nous avons souhaité ancrer notre recherche sur la relation des SIC avec le développement territorial et durable. Il s'agit là de nous inscrire dans les nouvelles configurations de la planification territoriale (Maurel, 2012) où d'autres formes de savoirs que ceux détenus par les experts sont régulièrement citées et de plus en plus mobilisées : « savoirs locaux », « savoirs profanes », « savoirs citoyens »[1] ou encore de « savoirs d'usage ». Cependant, il s'agit d'organiser cette médiation entre les collectifs d'acteurs activement engagés ou non. Or, si l'idéal-type Habermassien pose que l'espace public est organisé selon les principes de rationalité, d'accessibilité et de transparence, certains auteurs qui se sont intéressés à l'espace public médiatique (Calhoun et al., 1992 ; Pailliart et al., 1995 ; Boyd, 2009 ; Miège, 2010 ; etc.) ont souvent conclu que celui-ci y correspondait peu. Par ailleurs, il s'agit de faire évoluer la culture du territoire par cette recherche d'articulation entre les dispositifs techniques de la communication et la production des messages et du sens (Miège, 2005). Enfin, notre recherche se positionne également sur le champ des sciences politiques et l'analyse des instances participatives issues des multiples injonctions à la participation du public et innovations démocratiques (Blondiaux, 2001, 2007, 2009 ; Rui, 2004 ; Cabannes, 2004, 2006 ; Wojcik, 2005, 2007 ; Scarwell, 2007 ; Barbier, 2008 ; Hurard, 2011, etc.)
Méthodologie
Notre recherche porte sur l'ensemble des collectivités territoriales de la région PACA, engagées dans un projet de développement durable dont la participation du public fait figure de principe fondamentale. Nous avons arrêté notre échantillonnage sur les collectivités territoriales engagées dans un projet du type Agenda 21 local, Plan Climat Energie Territorial (PCET) et programme Action Globale Innovante pour la Région (AGIR) et réalisé une veille sur l'ensemble de leurs sites Internet afin d'y recenser différents outils du web dit « social », « documentaire », « sémantique » et « de l'information ». Ce travail nous a permis de répondre notamment à la question des stratégies mises en œuvre par les collectivités pour se positionner sur l'activité des publics au premier stade de la participation : le niveau informationnel. En effet, l'activité nouvelle des publics entrevus au travers des différentes pratiques de navigation interroge l'évolution des rôles du producteur-diffuseur d'information désormais confrontée à l'émergence de dispositifs de médiation[2] horizontale. Par ailleurs, notre recherche s'intéressera à savoir si la pratique d'Internet représente un lien actif avec les administrés. Ainsi, par exemple, nous évaluerons la présence ou non du courriel au travers du site Internet des collectivités territoriales et son utilisation effective dans la soumission d'une quelconque requête et dans le cadre d'une approche communicationnelle.
Plan de communication
1. Ancrage théorique
1.1.La relation des SIC avec le territoire
1.2.La participation des acteurs territoriaux : un príncipe du développement durable
2. Postulats de recherche
2.1.Emergence d'un cadre législatif et mesures incitatives
2.2. Méconnaissances des nouveaux dispositifs participatifs de développement durable
2.3. La manque d'information : un problème des instances participatives
2.4. Internet : source principal de recherche d'informations
3. Analyse empirique
3.1.Les outils du web
3.2. Etude qualitative
Bibliographie indicative :
- Blondiaux L et Sintomer Y., 2009, « L'impératif délibératif », Rue Descartes, n°63, p. 28-38
- Ghernaouti-Hélie S & Dufour A., 2012, « Internet », Chapitre 1 « Des origines aux réalités de l'Internet », Que sais-je ?, P.U.F
- Jauréguiberry F et Proulx S., 2003, « Internet, nouvel espace citoyen ? », Harmattan, Collection Logiques Sociales, 250p
- Miège B, 2010, L'espace public contemporain. Approche Info - Communicationnelle, PUG, coll. « communication medias societe », 227 p.
- Pailliart I, 2002, « La société de l'information : une société de contradictions ? », Revue européenne des sciences sociales, n°XL-123
[1] Ce terme de « savoirs citoyens « a par exemple été utilisé par la revue Territoires n° 497 d'Avril 2009 dans un dossier intitulé « Quelle place pour les « savoirs citoyens? » (Maurel & Bertacchini, 2012)
[2] On entend par dispositif de médiation un hybride entre des objets, des textes et des humains.
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