« l'imaginaire sociotechnique » des sites internet prescriptifs de fictions audiovisuelles. l'etude de la "mise au travail du consommateur" de "Plus belle la vie"
Dans cette contribution, nous voulons montrer un accroissement du pouvoir d'influence des séries télévisuelles par leur déclinaison en un audiovisuel interactif sur l'internet. La forme de pouvoir étudiée sera celle, contributive et prescriptive, des sites internet déployés par les équipes de production, dans une optique de crossmédia (Azémard, 2013). Plus spécifiquement, le concept de « travail du consommateur » (Dujarier, 2008), sera éclairant pour comprendre la volonté de faire participer un consommateur (ici téléspectateur-internaute) à l'élaboration d'un service. D'acteur, ce consommateur devient auteur, crée des contenus multimédias, commente et donne son avis. Du « consomm'acteur » au « consomm'auteur », les frontières entre production et consommation de biens culturels se délitent.
Pour étayer notre propos, nous avons bâti une étude de cas centrée sur la refonte du site internet officiel de la fiction Plus belle la vie, couramment dénommée PBLV (www.plusbellelavie.fr), créé en 2008, en une version plus participative lancée en février 2012. Nos observations ont porté sur le visionnage des saisons 7, 8 et 9, puisqu'elles sont concomitantes avec le lancement de la nouvelle version du site internet. Pour compléter nos analyses, dans une perspective diachronique, nous nous référons aux travaux de Bryon-Portet ou encore Mille (2011) qui intègrent, entre autre, les saisons 4, 5 et 6. L'analyse de la construction de la réalité au travers des choix scénaristiques nous permettra de mettre en évidence les facteurs-clés du succès de ce feuilleton. Nous nous sommes, en parallèle, focalisé sur le site internet officiel de PBLV (www.plusbellelavie.fr) et ses liens sortants vers : des micro-sites (jeux, webisode, site mobile), l'application pour tablette et smartphone « PBLV Talk », les pages officielles de Facebook et Twitter, ainsi que le site du diffuseur, France 3. Ce choix sélectif s'explique par le succès sans précédent de cette fiction française, réalisée pourtant à faible coût, comparativement à ses homologues américains, forgeant une « sériphilie à la française » (Donnat & al., 2011 : 12-15) dont la typicité permet à cette série de s'ériger parmi les deux séries préférées des Français avec Prison break. En outre, alors que les autres séries en France sont majoritairement regardées par une audience de 15 à 30 ans, diplômée de l'enseignement supérieur, PBLV est regardée par un public essentiellement féminin, de 15 à plus de 63 ans, issu des couches populaires (agriculteurs, employés, ouvriers). Cependant, au-delà de ce succès télévisuel qui réunit près de 5 millions de téléspectateurs chaque soir, nous retenons aussi cette fiction pour savoir si une diversification sur l'internet participatif en 2008 puis 2012, donc a posteriori du lancement de la série à la télévision en 2004, s'accompagne d'autant de succès et d'engouement. Ces évolutions successives permettent de suivre la progression dans la mise au travail de l'internaute-téléspectateur autour de trois hypothèses qui feront chacune l'objet d'une partie.
Dans une première partie, notre hypothèse sera de considérer que la diversification de Plus Belle La Vie sur l'internet et les réseaux sociaux, s'inscrit dans un « imaginaire sociotechnique » (Flichy, 2001 ; Rebillard, 2011) des producteurs de la série, sensé mobiliser massivement le public, et conférer une forme de pouvoir d'action à ce nouvel ensemble audiovisuel interactif.
La présentation, en deuxième partie, de « l'étude de cas instrumentale » PBLV, s'est faite selon la pratique préconisée par Mucchielli (1996) en trois phases : la première phase consiste en la description du cas lui-même, à partir de laquelle on procède à une analyse de contenu théorisante (Bardin, 2007 ; Barats, 2013) afin de monter en niveau d'abstraction, à partir d'une sélection des éléments utiles du cas. Il s'agit d'une démarche déductive où, à partir d'une sélection de certains matériaux du cas, nous allons chercher à montrer la dimension explicative, confirmative, de modèles théoriques déjà construits par d'autres chercheurs.
La troisième partie permet de tester la dernière hypothèse, si la transposition de la série sur l'internet confirme cette idéologie de la participation généralisée, favorisant une intensification de la mise au travail (Dujarier, 2008) du téléspectateur par l'interactivité accrue. Ce pouvoir prescriptif de « l'appel à coproduction collaborative » (Stengers, Coutant, 2011 ; Stengers, 2011) que PBLV met en oeuvre auprès des internautes, laisse émerger la figure du « prosumer » (Beaudouin, 2011), associé étroitement à la médiatisation des épisodes et à la commercialisation des produits dérivés de la série. La conclusion nous permettra de synthétiser et discuter l'ensemble des résultats obtenus.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
AZEMARD Ghislaine (2013), 100 notions pour le crossmédia et le transmédia, éditions de l'immatériel, 230 p.
BARATS Christine, (2013), Manuel d'analyse du web. Paris : Armand Colin, 259p.
BARDIN Laurence, (2007), L'analyse de contenu, Paris : PUF, 291p.
BEAUDOUIN Valérie, (2011), « Prosumer », Communications, 88, pp.131-140
BRYON-PORTET Céline, (2011), « Les productions télévisées, genre oublié dans la construction de l'image d'un territoire ? L'exemple de co-construction de l'image socioculturelle de la ville de Marseille par la série Plus belle la vie ». Etudes de communication, 37, pp.79-96.
DONNAT Olivier, PASQUIER Dominique, (2011), « Présentation. Une sériphilie à la française », Réseaux, 165, pp.9-19.
DUJARIER Marie-Anne, (2008), Le travail du consommateur : De McDo à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons. Ed: La découverte, Paris, 246p.
FLICHY Patrice, (2001), « La place de l'imaginaire dans l'action technique. Le cas de l'internet ». Réseaux, n°109, 2001, pp.53-73.
MILLE Muriel, (2011), « Rendre l'incroyable quotidien. Fabrication de la vraisemblance dans Plus belle la vie ». Réseaux, 165, pp.54-81.
MUCCHIELLI Alex, (1996), Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales, Paris : Armand Colin, 275p.
REBILLARD Franck, (2011), « Du web 2.0 au web² : fortunes et infortunes des discours d'accompagnement des réseaux socionumériques », Hermès, n°59, Ed : CNRS
STENGER Thomas, (2011), « La prescription de l'action collective ». Hermès n°59, Ed : CNRS, p.127-133
STENGER Thomas, COUTANT Alexandre, (dir) (2011) « Ces réseaux numériques dits sociaux. Introduction ». Hermès n°59, Ed : CNRS, 253p
Webographie indicative :
Site internet de la société de production Telfrance : http://www.telfrance.fr/
Site internet de Plus belle la vie : http://www.plusbellelavie.fr/
Page Facebook de PBLV : http://www.Facebook.com/plusbellelavie
Page Twitter de PBLV : https://Twitter.com/#!/PBLVofficiel
Le lien internet pour promouvoir et télécharger l'application smartphone « PBLV Talk » : http://www.plusbellelavie.fr/telecharger-l-application-pour-votre-telephone
La version mobile du site internet officiel (m.plusbellelavie.fr/home.php)
Le jeu « Plus belle la vie » (www.plusbellelavie-games.fr)
Le jeu « Plus belle la langue française » (www.plusbellelalanguefrançaise.fr)
La page Facebook de « Plus belle la langue française » (http://www.facebook.com/pages/Plus-Belle-la-Langue-Francaise)
Le site PBLV de la chaîne TV France 3 (www.plus-belle-la-vie.france3.fr)
Site internet d'Orange Transmedia Lab (http://www.transmedialab.org)
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