En 2014, à Nice, la contre-culture est constituée par un certain nombre d'associations, de lieux, de personnalités et d'artistes. Par contre-culture, on entendra dans cette approche « les mouvements politico-culturels contestataires, porteurs d'une critique de l'aliénation de la vie quotidienne et d'un désir concomitant d'offrir à l'homme une vie plus pleine. »[1]
Mais cette contre-culture dispose d'une faible visibilité aussi bien à l'extérieur qu'aux yeux des habitants. Ses acteurs eux-mêmes au demeurant partagent le sentiment d'une existence récente et d'une vitalité moindre de cette contestation comparativement à d'autres territoires.
L'hypothèse est ainsi que ce qui fait défaut, ce n'est pas l'existence d'une résistance politico-culturelle à Nice, c'est à la fois la visibilité et la mémoire de cette résistance.
Le développement des technologies de l'information et de la communication a donné naturellement matière à investissement de la part des acteurs de la contre-culture niçoise : sites internet, blogs, newsletters, journaux et projets numériques, hackerspace, présence sur les réseaux sociaux, etc. structurent le lien des acteurs aux TIC tant sur un mode d'information publique, d'échanges entre pairs que sur un axe de participation des populations. En première analyse, la présence de la contre-culture dans la ville en paraît renforcée et dans un gain d'efficience et de visibilité. Facebook, par exemple, permet d'en dessiner plus précisément les contours en permettant d'isoler un « milieu ». Les TIC permettent à ce milieu de mieux se connaître et de mieux communiquer sur les événements et les actions qu'il organise.
On peut toutefois s'interroger sur le fait de savoir si les TIC permettent une meilleure visibilité au-delà de l'entre-soi et si le fonds politique, la résistance politique et économique véhiculée par la contre-culture, se trouvent renforcés par les aspects utopiques présents dans l'histoire d'Internet ? Les TIC sont-elles un vecteur permettant la mise en œuvre des idéaux et de la critique sociale dont est porteuse la contre-culture ? Comment résiste-t-on lorsque l'on vit sur un territoire qui est un véritable laboratoire de la modernité et du système économique et politique dominant ?
Cette recherche s'appuiera sur un travail d'enquête auprès des acteurs (personnalités emblématiques, associations, artistes...) de la contre-culture à Nice ainsi que sur un corpus de documents et d'archives (flyers, affiches...). une analyse des blogs et des pages Facebook notamment permettra une mise en perspective. Sur le plan théorique, elle s'inscrira dans une approche rattachée aux cultural studies ainsi qu'à la philosophie post-moderne en ce qui concerne les modalités de lutte contre l'aliénation dans la vie quotidienne. Nous nous proposons ainsi d'examiner en premier lieu les modalités d'usage des TIC au sein de la contre-culture niçoise en terme de communication. En second lieu, nous nous intéresserons à ces dispositifs dans leur action politique.
BIBLIOGRAPHIE :
Laurence ALLARD, Olivier BLONDEAU, Devenir média. L'activisme sur Internet entre défection et expérimentation. Paris, ED. Amsterdam, 2007
Christophe BOURSEILLER, Olivier PENOT-LACASSAGNE (dir.), Contre-culture !, Paris, Ed. du CNRS, 2013
Fabien GRANJON, L'Internet militant. Mouvement social et usage des réseaux télématiques. Paris, Apogée, 2001
Félix GUATTARI, Toni NEGRI, Les nouveaux espaces de liberté, Paris, Nouvelles éditions Lignes, 2010
Paul RASSE, La diversité culturelle, Paris, CNRS Editions, 2013
Fred TURNER, Aux sources de l'utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture, Steward Brad, un homme d'influence.
[1]Pour cette définition, voir Christophe BOURSEILLER, Olivier PENOT-LACASSAGNE (dir.), Contre-culture !, Paris, Ed. du CNRS, 2013