Résumé :
Cette réflexion porte sur les ressources construites en local par des acteurs professionnels issus de milieux hétérogènes qui coopèrent en exploitant les potentialités des TIC, dans le cadre d'une gouvernance participative. Elle se fonde sur l'étude d'une expérience de recherche-action REVE, Réseau Enfance et Vie Educative (Pybourdin, Granget). L'ambition de REVE est de parvenir à résoudre des problématiques sociales par la constitution d'une communauté identitaire basée sur des valeurs communes, des expériences collectives et le partage de savoirs.
Ce projet instituant (Castoriadis, 1975) s'intéresse à la problématique de l'engagement volontaire (Bernard, 2006) d'acteurs professionnels, au sein d'une action collective et concertée. Cette action est envisagée comme facteur d'amélioration de l'accompagnement d'enfants en difficultés d'apprentissage et/ou de vie. L'adoption d'une logique d'intelligence territoriale (Girardot, 2009) et la mise en œuvre d'un processus d'intelligence compétitive 2.0, (Quoniam, 2010) encouragent l'autonomie des acteurs, selon le paradigme de la Troisième voie (Giddens & al., 2006).
La démarche s'inspire, également « de l'éthique du développement durable qui met en avant trois principes : la participation, l'approche globale et équilibrée des territoires et le partenariat » (Girardot, 2004, 2). L'élaboration d'une forme organisée de l'action collective vers une finalité commune (Weick, 1995) est ainsi proposée dans le cadre de REVE, avec pour principes : l'identification précoce d'enfants en souffrance ou en difficulté d'apprentissage, la conduite d'une réflexion collective et la mise en place d'actions coordonnées cohérentes entre acteurs qui habituellement ne travaillent pas ensemble.
Un réseau d'acteurs professionnels aux pratiques disciplinaires diverses et complémentaires a été constitué. Objet d'étude, le réseau est soutenu dans son action de production, de transmission et de capitalisation des connaissances par un dispositif numérique. L'accompagnement des pratiques professionnelles est envisagé en tant que partie d'un système complexe, diversifié, soit « une société pollen », en interaction permanente et nécessitant des interventions intersectorielles et participatives (Boutang, 2008). Le réseau est considéré comme une structure cellulaire en charge de développer « une finesse de la jonction connectique » entre acteurs dont les capacités d'intervention sont définies par la pertinence du contact (Gramaccia, 2008 : 59). Il s'agit de déterminer, d'une part, si le réseau permet de mieux prendre en compte les besoins éducatifs de l'enfant et, d'autre part, s'il est en capacité d'apporter plus rapidement des solutions pertinentes et durables aux difficultés rencontrées.
Enfin, la démarche vise à penser le projet institué des politiques publiques en articulation avec le projet instituant de la gouvernance locale.
La recherche-action, questionne la façon dont l'innovation sociale contribue aux changements de pratiques d'acteurs professionnels autodéterminées. La difficulté de la collaboration réside dans la façon dont on peut faire travailler ensemble un acteur institutionnel et des acteurs professionnels très sollicités, venus d'horizons variés avec des pratiques spécifiques qui parlent des langages différents. L'enjeu de cette collaboration est également la communication en direction du citoyen en attente de solutions et d'informations utiles et prêt à consentir du temps. Il s'agit, en effet, de contribuer modestement à l'inversion de la relation entre collectivités et citoyens pour pouvoir aborder les problèmes majeurs de la société. Le citoyen se plaint d'une absence d'écoute et de communication de la part des collectivités et d'institutions spécialisées. Pour lui, ces organisations exercent trop souvent un pouvoir par l'affirmation de règles qui justifient leurs prérogatives. Elles exploiteraient les ressources de la communication marketing pour légitimer leur existence. Mais en face de problèmes complexes tels que l'éducation, le chômage, l'exclusion, la dégradation de l'environnement, il ne s'agit plus pour les collectivités territoriales d'imposer une réponse mais d'organiser et d'animer un processus collectif de recherche de solutions qui passe nécessairement par une mise en commun des perceptions et par une confrontation des différentes subjectivités dans une logique de gouvernance participative.
Méthodologie :
L'adoption d'une démarche compréhensive relevant de l'herméneutique permet de comprendre les phénomènes humains liés au partage des savoirs et à la construction des connaissances en réseau. Cette méthodologie d'inspiration ethnographique (Winkin, 2001) combine l'observation participante complète, l'analyse thématique d'entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2001) et de récits biographiques afin de pratiquer une clinique de l'activité (Clot, 2008) auprès des professionnels concernés par la présente étude.
La phase d'exploration concerne les acteurs et partenaires du Projet éducatif local. Il s'agit d'aborder la question de l'accompagnement éducatif sous le prisme des pratiques professionnelles hétérogènes, de relever les freins et motivations et de mettre en place une stratégie d'accompagnement au changement.
Plan de la communication :
1- D'un objet d'étude à la transformation de pratiques sociales par les TIC :
- Contexte et problématique de la recherche
- Innovation sociale et engagement d'acteurs professionnels hétérogènes en réseau
2- Vers une modélisation herméneutique de la gouvernance participative :
- De l'agir contraint à l'agir intentionnel
- Dualité exogène-endogène pour un modèle d'écosystème local
Bibliographie :
BERNARD, F., (2006), « Pratiques professionnelles/pratiques communicationnelles : des figures de l'engagement par les actes », Questions de communication, série actes 3, Presse universitaire de Nancy, p13-27.
BOUTANG, Y.M., La société pollen, nouvelle économie politique à l'ère du capitalisme cognitif, Paris, Hachette,Coll. Pluriel, 2008.
CASTORIADIS, C., (1975), L'institution imaginaire de la société, Paris, le Seuil.
CLOT Y., (2008), Travail et pouvoir d'agir, Paris, PUF.
GIDDENS, A., BLAIR, T., 2002, La troisième voie. Le renouveau de la social démocratie, Paris, le seuil.
GRAMACCIA G. , 2008, « Qualité, projet, numérique : trois variations symboliques de l'efficacité gestionnaire », in BATAZZI C., MASONI LACROIX C. (dirs) Communication, organisation, symboles, Revue MEI, n°29, L'Harmattan, Paris, p. 55-67.
GIRARDOT, J.J., (2007) Système communautaire d'information territoriale, Thema : http://thema.univ-fcomte.fr/Systèmes-communautaires-d.
KAUFMANN, J-C., (2001) L'entretien compréhensif, 2e ed., Paris, Armand Colin, 127 p, (Coll. Sociologie 128, n°137).
WEICK, K., (1995), Sensemaking in organizations, Sage, Thousand Oaks, CA.
WINKIN, Y. (2001), Anthropologie de la communication. De la théorie au terrain. Paris : Seuil, 332 p. (coll. Points Essais).