Propos :
L'actuel engouement pour les MOOCs -dispositifs de formations en ligne ouvertes massivement- constitue t-il un nouvel avatar du déterminisme technologique qui postulerait que la technique serait en mesure de renouveler l'offre de formation, transformer les modalités d'apprentissage et ouvrirait de fructueuses perspectives en matière d'attractivité des universités, de complément de revenus, ....
L'observateur expérimenté de l'enseignement supérieur et des TICE ne peut qu'éprouver un étrange sentiment de répétition en ce qui concerne les caractéristiques du projet MOOC et les arguments avancés pour justifier ou promouvoir ce projet. En effet, depuis la déclaration du millénaire des nations Unies en 2000, en passant par la stratégie de Lisbonne, le développement fortement incité de l'usage des TICE à l'Université, reprend obstinément le même argumentaire fortement faisant des dispositifs techniques d'enseignement la solution radicale et suffisante pour assurer le développement de la connaissance et la solution ultime aux problèmes de massification et d'hétérogénéité du niveau des étudiants (Bouillon, Bourdin, 2006). On est ainsi conduit, en première analyse à envisager le projet MOOC comme une énième illustration du discours enchanté sur la technique. L'article mettra ainsi en évidence, à une décennie d'écart, les modalités similaires du discours accompagnement et d'incitation à l'usage intensif des TICE. De même, un parallèle sera fait entre les mesures incitatives actuellement mises en place pour conduire et favoriser les projets MOOCs –on pense plus particulièrement aux critères apparaissant dans le cadrage du CPER (Contrat de Projet Etat Région) actuellement en cours, dans les IDEFI (déclinaison pour l'enseignement des Investissements d'Avenir) et enfin à la plateforme France Université Numérique (FUN) actuellement lancée et promue par le MESR.
Mais un certain nombre d'indices conduisent à dépasser l'analyse du retour du déterminisme technologique. On observe d'une part l'accélération du timing, appuyée sur l'antériorité des expériences anglo-saxonnes (étasuniennes pour l'essentiel) : la plateforme FUN a été développée par l'INRIA en un temps record pour offrir le sous-bassement technique indispensable au déploiement des MOOCs français. Elle s'accompagne d'une rapidité dans l'émergence d'un discours critique sur les expériences MOOCs en général. Mais, plus encore, ce fétichisme technologique s'inscrit dans une évolution gestionnaire et managériale de l'enseignement supérieur largement analysée par Bruno (2008). Les universités post-LRU sont à la fois en capacité d'une plus forte réactivité (même si ce point appelle des nuances) mais également plus sensibles à la dimension concurrentielle des initiatives innovantes type MOOC qui apparaissent, parfois confusément, comme un facteur de distinction dans une politique compétitive de l'offre de formation autant que de l'image de l'université.
On peut alors décaler le propos et considérer les MOOCs comme la partie visible et médiatique d'un mouvement de rationalisation de l'enseignement supérieur. Car si les dispositifs techniques de type MOOC comportent des éléments de rationalisation, au moins espérée de la transmission pédagogique, et de la gestion des publics, ils nous semblent tant par leurs caractéristiques que par le processus de leur lancement témoigner d'une gouvernance des universités rationnalisantes.
Plan de la communication :
Méthodologie
L'investigation s'appuiera sur deux analyses de corpus.
D'une part la couverture médiatique du phénomène MOCC appréhendée à partir d'articles publiés de mai à décembre 2013 essentiellement dans Le Monde et sur le site Educpro, spécialisé dans les questions d'enseignement supérieur. La sélection de textes comprend tout à la fois des articles isolés ou inscrits dans des dossiers thématiques sur les MOOCs auxquels s'ajouteront des billets de blogs hébergés sur Le Monde et EducPro.
L'observation portera tout à la fois sur un traitement quantitatif des publications –date et fréquence- et qualitatif concernant l'angle d'attaque, la présentation des expériences anglo-saxonnes démarrées plus tôt, l'analyse des enjeux du développement des MOOCs en France et ses liens avec le projet FUN (France Université Numérique) et les arguments rapportés dans ces publications, sur le débat en cours sur la question.
D'autre part, on procèdera à une analyse de l'offre MOOCs dans les universités françaises : type de formations ouvertes, modalités d'inscription, de suivi et caractéristiques de l'offre (certifiantes et/ou diplômantes). On complétera, au cas par cas, par le discours d'accompagnement produit par chaque institution universitaire argumentant le virage MOOC.
Références bibliographiques :
BARATS C., « Diffusion d'un raisonnement économique et du dire managérial : le cas des TIC dans l'enseignement supérieur français (autorité de tutelle et établissement) », In Les Discours sur l'économie, (co-dir avec Angermüller J., Labrode-Milaa I., Lebaron, F.), Paris, PUF, juin 2013.
BARATS C. « Textes numériques ou sur le numérique : rhétorique de l'internationalisation et « attractivité » des universités parisiennes », In Acteurs et contextes des discours universitaires, Tome 2, L'Harmattan, 2009, pp. 209-225.
Bouillon J-L., Bourdin S., 2006. La réduction de la fracture numérique aux prises avec le pilotage d'un projet : les TICE entre rationalisation économique et rationalisation pédagogique, Colloque ISD L'information numérique et les enjeux de la société de l'information Tunis, 14-16 avril 2005, Revue maghrébine de documentation n°13-15 2006, p.1059 – 1080. Disponible sur Archivesic http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/documents/archives0/00/00/15/51/index_fr.html
Bruno I., 2008, A vos marques, prêts ... cherchez ! La stratégie de Lisbonne, vers un marché de la recherche, Editions du Croquant, Savoir/Agir,.
S. Craipeau, J-L. Metzger, 2009, « Une utopie technicienne pour réformer l'université ? », Quaderni, n°69, pp. 115-120.
P. Moeglin,
WINKIN Y., La communication n'est pas une marchandise, Labor, Bruxelles, 2003.