Notre proposition offre une approche socio-historique de certaines des questions soulevées par l'apparition - ou la co-apparition - des TIC et des sciences de l'information dans le cas spécifique de l'archivistique contemporaine. En travaillant sur l'historique du groupe de travail en informatique du Conseil International des archives (ICA), à partir des archives du groupe conservées par l'institution, nous souhaitons montrer la façon dont différents intérêts, tant économiques que professionnels structurent les adoptions et les développements de solutions informatiques en archivistique et propose des pistes pour comprendre l'évolution des métiers de l'information à partir des discours produits par les archivistes.
Pris comme des cadres d'action et de réflexion, les TICs sont, au-delà de leur dimension utilitaire, les supports et véhicules de concepts et de façons de concevoir l'information et sa circulation. Ces concepts et points de vue innervent leur constitution, diffusion et utilisation. Ils sont les porteurs des visions et définitions de leurs créateurs, qui y projettent leurs façons d'envisager différents aspects des sciences de l'information que sont, entre autres, la restitution ou l'agencement de celle-ci. Ainsi, loin d'être neutres, ils sont sous-tendus par des conceptions au sujet des utilisateurs et des fonctions des professionnels de l'information. En outre, dans le cadre des institutions d'archives, leur adoption et/ou création entraîne des modifications dans les agencements préalables, que ce soit dans l'organisation des fonds ou la constitution des équipes qui s'en chargent.
Avant d'observer, sur le terrain, la façon dont ces changements s'opèrent (ce qui constitue le cœur de notre travail de recherche doctorale) nous cherchons à développer un retour sur la constitution des définitions par le biais de l'analyse discursive. A partir d'une recherche plus générale sur l'historique de l'ICA qui nous a permis d'observer des phénomènes de structuration et de circulation de concepts phares de l'archivistique – tels le respect des fonds – au sein d'une association internationale et leur consolidation progressive, nous proposons d'entrer plus spécifiquement dans le détail des travaux et propositions réalisés par le groupe de travail de l'ICA sur l'informatique créé en 1972. Ce groupe de travail représente, à travers les documents conservés par l'institution, un pan de l'histoire de l'informatisation des pratiques en archives et relate les croisements entre des intérêts économiques, scientifiques et professionnels qui se font jour avec l'apparition des machines capables de traiter les données. Le groupe de travail en question a œuvré non seulement à la mise en place d'une terminologie commune en informatique archivistique mais également à la diffusion et à la formation de ces outils ainsi qu'à la réflexion sur leur place dans les activités archivistique et le rôle de l'archiviste à leur égard. Perçues tout d'abord, durant la décade 1960, comme des aides pour la comptabilité ou les statistiques des institutions, elles deviendront, dès la décade suivante, des outils importants et bientôt essentiels pour des opérations qui sont au cœur du traitement et de la diffusion de l'information. Cette évolution est, avec les réalisations pratiques, le fruit d'intérêts qui se traduisent par des discours et de positions à leur sujet.
Nous choisissons ainsi de porter le regard du côté des professionnels de l'information et de leurs pratiques pour approcher les questions des mutations sociales produites par l'apparition des TICs. Ces professionnels contribuent à façonner les définitions et les usages de ces outils. En adoptant l'analyse de discours nous pouvons voir, dans les énoncés qui s'appliquent à ces outils, la façon dont ils sont conçus, décrits et articulés avec les pratiques concrètes des archivistes et comment ces discours évoluent en fonction d'intérêts spécifiques. En outre, la perspective adoptée pour observer une institution internationale permet d'accompagner les processus qui rendent possible et conditionnent la circulation des idées, théories et pratiques au niveau international.
Cette circulation des idées, à l'heure actuelle, est un facteur essentiel pour la compréhension de la constitution des savoirs et savoir-faire que ce soit dans les sciences en général ou en sciences de l'information en particulier. L'essor de l'utilisation des TICs, les positions et stratégies des professionnels de l'information et leurs relations au niveau international constituent des facteurs importants qui méritent d'être pris en compte lorsque l'on souhaite aborder les changements sociétaux plus vastes qui sont provoqués par ces outils.
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