L'introduction du concept e-learning ou les technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement s'inscrit dans le cadre du discours des politiques portant sur le rattrapage socio-économique du pays et sur la nécessité de réduire la « fracture numérique » entre le Nord et le Sud. En effet ce discours était récurrent dans les déclarations finales des sommets de Genève 2003 et de Tunis 2005. Il s'agit des recommandations sur l'utilisation des TIC à tous les stades de l'enseignement, de la formation et du développement des ressources humaines et de l'engagement de l'UNESCO à aider les Etats membres en vue du développement des TIC dans l'enseignement.
Les TIC sont utilisées en milieu scolaire et universitaire essentiellement à des fins pédagogiques (développement des cours, la distribution des contenus, la communication entre professeurs et étudiants) et à des fins informationnelles (inscriptions des étudiants, annonces des résultats et soutien administratif). D'après l'association internationale des universités (2004), « les TIC sont un moyen pour les professeurs d'obtenir un accès plus large et plus facile à l'information, une opportunité accrue d'échange avec leurs pairs et une possibilité d'interaction enrichie avec les étudiants ». L'usage des TIC s'est élargi à l'utilisation des plateformes d'E-learning.
Dans ce contexte, qu'en est-il de la « transposition » des TIC dans un contexte d'enseignement supérieur marocain ? y-a-t-il des mutations d'ordre pédagogique en œuvre au sein de l'université marocaine ?
Nombreux sont les projets d'introduction des TIC en général et de l'e-learning en particulier, effectivement réalisés ou en cours d'élaboration. Ainsi, le réseau MARWAN (Moroccan Academic and Research Wide Area Network) est le premier réseau informatique national à but non lucratif, dédié à la formation et à la recherche depuis 2002. Il a pour objectif la mise en place d'une infrastructure informationnelle et communicationnelle entre les établissements de formation qui va permettre : l'accès à Internet et à ses différents services et l'accès aux technologies multimédia, l'accès aux réseaux internationaux de recherche la valorisation des travaux de recherche par l'archivage électronique, le traitement et la diffusion. La mise en ligne du réseau MARWAN rencontre cependant un succès relatif pour le moment car seulement 37 établissements universitaires sur 65 y sont connectés.
Le cas de l'université Ibn Zohr d'Agadir au sud-ouest du Maroc, considérée comme une « université pilote » en la matière des TIC et e-learning, est fort intéressant dans la mesure où il révèle les enjeux d'une coopération Nord-Sud dans le domaine de l'enseignement. Ainsi, depuis janvier 2004 cette université chapote un campus virtuel marocain. Il s'agit du projet Coselearn.
Un autre projet en cours, largement débattu lors des séminaires de formation organisés dans le cadre du Fonds de Solidarité Prioritaire-appui à la recherche et l'enseignement supérieur marocain (FSP-ARESM), vise l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement du module Langue et communication (Daghmi, Toumi, 2008). Une analyse de contenu des différents rapports de synthèse montre que l'introduction d'un enseignement à distance est susceptible, selon ses promoteurs, de contourner les contraintes d'ordre organisationnel comme les effectifs pléthoriques dont souffre la plupart des universités marocaines, l'hétérogénéité des niveaux des étudiants ce qui permettra une individualisation de l'apprentissage. L'enjeu majeur pour les responsables consiste à prouver l'adaptation de leurs organisations aux nouvelles évolutions de la société marocaine. Le potentiel du marché de l'e-learning attire bon nombre de sociétés internationales qui exercent une pression considérable pour équiper les pays africains et notamment le Maroc et proposer, par le biais des produits d'enseignement à distance, des modèles d'apprentissage qui ne mettent pas forcément l'apprenant marocain et ses contraintes techniques au cœur du dispositif car comme l'affirme P. Flichy. Si les TIC performent les usages c'est qu'elles ont déjà incorporé les nouvelles caractéristiques de la société (Flichy, 2004) ce qui est loin d'être le cas pour le Maroc.
Cette communication pose la problématique du e-learning dans un contexte qui reste marqué par la fracture numérique notamment entre les zones rurales et urbaines. Les TIC résoudront-ils les problèmes d'accès au savoir, des sureffectifs que connaissent l'université marocaine, tant que les problèmes d'équipement et d'accès persistent.
Nous nous appuyons sur une enquête quantitative réalisée à l'Université Ibn Zohr d'Agadir en 2013 et qui a touché plus de 500 étudiants. Il convient de souligner à cet égard que notre université couvre la plus grande région du Maroc.
Plan
Introduction
I Les facteurs généraux l'adoption et l'appropriation des nouvelles technologies:
1 La diffusion des innovations
2 La diffusion et l'adoption du micro-ordinateur
II Les TIC au sein de l'Université Ibnou Zohr
1 Pratiques et usage des TIC à l'université
2 Université Ibnou Zohr en mode asynchrone : un constat d'échec
3 Université Ibnou Zohr en mode synchrone : inenvisageable
Conclusion
Bibliographie :
Amsidder, Abderrahmane ; Daghmi, Fathallah ; Toumi Farid (2012), Usages et pratiques des publiques dans les pays du Sud. Des médias classiques au TIC, Agadir, Editions de l'Université Ibn Zohr
CHENEAU-LAQUAY Annie (éd.), Mondialisation et technologie de la communication en Afrique, Paris, Karthala, 2004, 328 p.
CHENEAU-LAQUAY Annie (éd.), Enjeux des technologies de la communication en Afrique, Paris, Karthala-Regards, 2000, pp.127-149.
Daghmi, Fathallah ; Toumi, Farid (2009), « Réalités et enjeux des TIC dans les pays du Sud. Cas du Maroc », (p. 317-329) in Lise Vieira, Nathalie Pinede (dir.), Stratégies du changement dans les systèmes et les territoires. Enjeux et usages des technologies de l'information et de la communication, Bordeaux : Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 2010.
DAGHMI Fathallah et TOUMI Farid, « Implications du passage au LMD dans les universités marocaines : cas du parcours ‘langue et communication' », dans Interagir et transmettre, informer et communiquer : quelles valeurs, quelle valorisation ? Actes du colloque international SFSIC/ISD/IPSI, CHOUIKHA Larbi, MEYER Vincent, GDOURA Wahid (éd.), Tunis, SFSIC, 2008, pp. 611-618
DURAMPART Michel, GUYOT Brigitte, RENAUD Pascal, « Transmettre à l'heure du numérique : l'usage d'Internet par les étudiants du sud », dans Interagir et transmettre, informer et communiquer : quelles valeurs, quelle valorisation ? Actes du colloque international SFSIC/ISD/IPSI, CHOUIKHA Larbi, MEYER Vincent, GDOURA Wahid (éd.), Tunis, SFSIC, 2008, pp. 261-269
FLICHY Patrice, « L'individualisme connecté entre la technique numérique et la société », in Réseau, n° 124, 2004/2, pp. 17-51
MEZOUAGHI Mihoub, « La libéralisation des télécommunications au Maghreb : une réforme controversée », Annuaire d'Afrique du Nord, CNRS Editions, Vol. 39, 2003, pp. 65-84
Röller L.H., Waverman L., 2001, « Telecommunications Infrastructure and Economic Development: A Simultaneous Approach », American Economic Review, 91 (4), pp 909-923
WOLTON Dominique, Internet et après ? une théorie critique des nouveaux médias, Paris, Flammarion, 1999, 240 p.