Le dispositif a-t-il un impact sur l'esthétique ? Façonnent-ils de nouvelles images ? Y a-t-il une esthétique inscrite dans le dispositif lui-même ? Telles pourraient être les questions plus larges que nous voudrions aborder dans cette communication. Pour autant, nous ne l'aborderons qu'à travers le cinéma et seulement à propos des pratiques participatives et incitatives.
L'acteur et producteur américain Gordon-Levitt a créé une société de production qui réalise des courts-métrages, édite des livres, des objets impliquant plusieurs centaines de collaborateurs concernant textes, illustrations, animations, images. Fort de sa renommée d'acteur, des productions voient le jour permettant à des inconnus de devenir auteurs. On pense aussi au principe de réalisation « work in progress » du film Twixt de Copolla, du film Tricked de Verhoeven, ou encore du film Life of a day pensé par Ridley scott. En 2012, Une journée sur terre présente un film collaboratif dont le protocole est le tournage intégral et collaboratif de la même journée (le 10 octobre 2010) en plusieurs endroits du monde. Sa projection a été réalisée ensuite, à l'occasion de la journée de la terre, dans plusieurs pays du monde.
De même, des tournages basés sur l'intervention des publics dans l'œuvre elle-même deviennent possibles dans le cadre de vidéo participative.
Le système du crowdfunding de son côté permet de financer toute sorte de projets artistiques par l'intermédiaire du public, comme pour le cinéma français avec notamment Touscoprod.com qui se réclame d'avoir levé des fonds conséquents pour produire des films, ou Kiss Kiss Bank Bank.
Ensuite dans le domaine de la diffusion, la projection à la demande, par exemple le lancement d'I LIKE CINEMA.com en 2012, va permettre de développer un réseau de diffusion en salle à la demande.
Il ne faut pas négliger non plus les évolutions techniques du matériel cinématographique. Ainsi, on a vu apparaître une caméra de cinéma, la Blackmagic, dont le prix est extrêmement bas. De telles évolutions permettent à des associations de voir le jour et de partager leur matériel audiovisuel (en même temps que d'autres associations font revivre du matériel de développement argentique en récupérant d'anciens matériels de tournage et de développement que l'industrie a abandonné).
Il ne faut pas non plus ignorer les avancées technologiques. Ainsi, un projet du M.I.T intitulé Second Surface de Shunichi Kasahara, Valentin Heun, Austin S. Lee et Hiroshi Ishii, permet de stocker virtuellement des formes et des images par l'intermédiaire d'une tablette tactile sur des environnements réels de manière collaborative et offre la possibilité d'accéder à des archives attachées aux lieux visualisés. Ce sont des outils qui pourront sans doute prolonger l'expérience collective durant la diffusion ou la projection, nous faisant rentrer dans une économie esthétique du tangible et de l'implication.
C'est ainsi toute la chaîne productive cinématographique qui est concernée par ces dispositifs.
Mais d'un côté, il y a Lech Kowalski, qui dans son film The end of the world begins with one lie exploite les images provenant d'Internet sur la marée noire dans le golfe du Mexique en 2010. Il y a Brian de Palma qui recycle des images disponibles sur Internet dans Redacted, impliquant une dimension critique. Et d'un autre, il y a l'industrie marketing, la publicité, les sociétés événementielles qui exploitent ces dispositifs participatifs.
Si ces phénomènes sont connus, les perspectives créatives de tels dispositifs le sont moins, on pourrait s'arrêter à la médiocrité des diffusions de première génération comme YouTube via l'Internet, considérant que la facilité d'accès et l'absence de filtres nuisent à la qualité des réalisations, renouvelant ainsi la crainte de Duchamp : « au lieu de forcer le public à venir jusqu'à l'œuvre, on va quémander son accord. L'ennui, avec l'art comme on le comprend aujourd'hui, c'est cette nécessité de mettre le public de son côté... Le public médiocratise tout. L'art n'a rien à voir avec la démocratie. » Doit-on alors s'attendre à un renouveau brutal, artistiquement ambitieux, de la création audiovisuelle ou simplement la production d'images adaptées au tour qu'a pris notre société ? Une chose est sûre, c'est que le cycle entier, production, réalisation, diffusion, est désormais couvert par ces dispositifs. Mais le mode d'interaction du public dans chacune de ces composantes est-il de même nature ? Des artistes peuvent désormais maîtriser l'ensemble de la chaîne productive et d'autres vont pouvoir fédérer des talents sur des projets collaboratifs d'envergures. Les technologies vont permettre de produire des expériences sensorielles collectives nouvelles sur la toile cinématographique. Qu'en saura-t-il des images produites ? De quels gains ou orientations seront-elles porteuses ? L'art contemplatif, cédera-t-il le pas à l'art fusionnel ? S'agit-il de libérer les nouveaux auteurs des contraintes des compagnies cinématographiques, ou au contraire de stimuler une industrie en mal d'innovation ? Loin de l'angélisme empathique, il s'agira de déterminer si ces dispositifs, à l'aide d'un certain nombre d'exemples, peuvent produire une nouvelle esthétique de l'image animée ou s'ils véhiculent au contraire une instrumentalisation du spectateur, en acteur d'autant plus captif qu'il participe.
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