* Notre travail de recherche a pour objectif de comprendre la façon dont l'organisation spatiale des offices de tourisme joue un rôle dans la répartition des tâches entre conseillers en séjour, outils numériques et brochures en termes de distribution d'informations pour les usagers. Il s'agit également de cerner l'impact de l'espace dans la nature de l'information distribuée au sein des offices de tourisme équipés d'outils numériques.
* L'intérêt est porté ici non pas sur le tourisme en tant qu'activité, mais se concentre sur l'espace des offices. La notion d'espace est entendue comme l'ensemble des lieux (virtuels ou réels) dans lesquels s'inscrivent volontairement les offices de tourisme. L'espace considéré est donc celui concentré de l'office de tourisme (comprenant aussi les outils numériques mis à la disposition des usagers au sein de l'espace physique), également l'espace de son site internet[1]. En ce qui concerne l'espace physique, l'hypothèse est émise qu'en amont, l'office de tourisme se positionne comme un gestionnaire d'information sur son territoire, qu'il doit agréger, valoriser et diffuser sur des canaux : c'est également un premier aperçu du territoire qui se concrétise dans les murs de l'office. Par cette approche, l'idée défendue est qu'un office n'est pas qu'un lieu de distribution d'information : il est aussi une façon d'exposer l'information touristique.
Le but est non pas de s'intéresser aux usagers et à leur réception des designs et ergonomies de ces deux espaces, mais bien d'analyser ces espaces pour en comprendre les enjeux de modifications de pratiques et de rôles des conseillers en séjour.
En effet, considérant les stratégies de l'ensemble producteur-programmateur[2], les outils numériques entraineraient d'autres modalités de distribution de l'information pour les offices de tourisme via de nouveaux canaux. Par la mise en place de ces outils numériques au sein et en dehors de l'office de tourisme, l'hypothèse émise est que le rôle des opérateurs classiques du tourisme muterait, vers un déplacement de leurs missions. Jusqu'à présent, la mission première des personnels des offices était d'accueillir les touristes et de leur fournir des informations sur le territoire[3]. La mise en place d'outils numériques bouscule ces missions : maintenant que les touristes ont accès à une information en masse, ils recherchent du conseil, de l'information qualitative. Ces personnels deviendraient donc de véritables conseillers en séjour, aidant les publics à vivre leur expérience multimédia en sélectionnant des critères de choix, afin de trouver la bonne information. Les offices considèrent ces différentes catégories de publics (famille, couples, amis, habitants) afin d'offrir un service qualitatif et adapté aux envies et moyens de chacune de ces catégories.
* L'approche choisie, ancrée dans les Sciences de l'Information et de la Communication, est d'analyser l'office de tourisme comme un dispositif communicationnel en soi, entendu au sens de Jeanneret, Souchier et Davallon : le dispositif prend en compte le poids des ressources matérielles et techniques, également l'intervention des acteurs qui mettent en place et contrôlent ces ressources et il constitue une production de sens pour un public.
* Le terrain structurant de cette recherche est l'office de tourisme d'Aix et du Pays d'Aix : au sein de celle-ci, l'espace a été scénographié par l'Agence Canopée. Le touriste est incité par l'espace à passer d'un outil numérique à l'autre (écrans de façade, totems d'écrans avec des entrées thématiques, géographiques, écrans dynamiques...), sur lequel il pourra trouver l'information recherchée, tout en ayant une attitude contemplative et exploratoire quant au design spatial.
Cette étude est éclairée par l'analyse de deux autres offices, l'un ayant une organisation spatiale plus classique (Vaison la Romaine), le second ayant une organisation spatiale rejetant les codes traditionnels, du comptoir par exemple (Mulhouse).
* Afin de mener à bien cette enquête, il s'est agi de suivre un protocole méthodologique précis. Dans un premier temps, chacun des sites internet a été analysé selon la grille sémiotique de Pignier. Les espaces physiques ont également été analysés via cette grille, afin d'avoir un point de comparaison, l'objectif de cette démarche étant de voir si les stratégies de l'ensemble producteur étaient les mêmes sur les sites internet que sur l'organisation physique. Dans un second temps, la typologie de Mariani-Rousset a été appliquée, afin de vérifier quel type de parcours était offert aux usagers. Afin de confronter les résultats obtenus par l'analyse sémio-pragmatique, des entretiens exploratoires ont été réalisés avec un des co-directeurs de l'agence de design qui a scénographié l'office de tourisme d'Aix, la directrice actuelle de l'office de Vaison et le directeur actuel de l'office de Mulhouse. Pour compléter ces entretiens, une autre personne est sollicitée en entretien semi-dirigé: le chargé de communication web et multimédia de l'office d'Aix. Egalement, des entretiens auprès des conseillers en séjour titulaires de l'office de tourisme d'Aix ont été réalisés. Enfin, des observations non-participantes d'usages et d'interaction ont été menées à l'office de tourisme d'Aix, sur une population de 145 usagers.
* Il s'agira alors de présenter les résultats de ces premiers repérages en suivant les protocoles d'enquêtes. Dans un premier temps, l'exposé discutera les ancrages théoriques de la recherche, et notamment les concepts de dispositifs ou d'énonciation spatiale. Il fera dans un second temps l'analyse sémio-pragmatique des différents espaces présentés ci-dessus (physique et virtuel) concernant les trois offices de tourisme avant de présenter les premiers résultats. L'exposé reviendra ainsi sur les différentes stratégies d'énonciation, analysera les tactiques des usagers des outils numériques et proposera des hypothèses en ce qui concerne l'évolution du rôle des conseillers en séjour.
[1] Malgré l'apparition d'applications numériques mobiles d'informations touristiques, la recherche ne portera que sur les sites internet des offices, ainsi que sur les outils numériques mis à disposition des usagers au sein même de l'espace physique de l'office. Les applications sont nécessaires pour compléter le chaînon manquant, c'est-à-dire l'information pendant le voyage, mais cette phase intéresse peu lorsque l'on parle d'appropriation d'un territoire a priori, de compréhension d'une vitrine.
[2] « L'ensemble producteur comprend deux sous-ensembles selon que l'on considère les producteurs concepteurs et selon que l'on considère les producteurs programmateurs de l'espace. En fait, ces deux catégories de producteurs interviennent à deux moments différents : la première renvoie au processus de production de l'espace dans sa matérialité, la seconde renvoie à la gestion de l'espace produit » (Perraton ; 1990)
[3] Articles L133-3 et L133-9 du Code du tourisme
Bibliographie indicative :
Atout France. 2011. Le numérique et les Offices de Tourisme. Les technologies de l'information et de la communication au service de l'accueil. Collection Marketing touristique.
Davallon (Jean). 2000. L'exposition à l'œuvre, stratégies de communication et médiation symbolique. Paris : l'Harmattan.
Jeanneret (Yves) et Souchier (Emmanuel). 2009. « Dispositif/Dispositif d'énonciation », in Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques. Paris : Honoré Champion/Besançon : Presses universitaires de Franche-Comté.
Mariani-Rousset (Sophie). 1992. Les parcours d'expositions: une situation de communication, du comportement à la construction du sens. Thèse : Psychologie : Université lumière-Lyon 2, Lyon.
Odin (Roger). 2011. Les espaces de communication : introduction à la sémio-pragmatique. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.
Pignier (Nicole) et Drouillat (Benoît). 2004. Penser le webdesign. Modèles sémiotiques pour les projets multimédias. Paris : l'Harmattan.
Perraton (Charles). 1990. « Les stratégies à l'œuvre dans la production et la réception des énonciations spatiales ». Protée.