Depuis l'invention de l'imprimerie au 15ème Siècle, l'Université fonctionnait grâce au livre et au texte écrit. Les processus d'enseignement et d'apprentissage étaient alors régis par ce que Goddy (1985) appelle la raison graphique.
Dans cette structure épistémique relativement stable, on pouvait parler de hiérarchie entre savoirs (tout ce qui extérieur au sujet) d'une part, et connaissances (les savoirs appropriés par le sujet), d'autre part. Et l'Université avait pour mission essentielle de transmettre aux jeunes les savoirs reconnus socialement (et généralement consignés dans des livres) et d'aider ces derniers à se les approprier afin d'en faire des connaissances personnelles, susceptibles de les aider à mieux s'intégrer dans leur milieu social et professionnel (Authier, 2001). Parallèlement à cela, la psychologie a élaboré des modèles explicatif pour rendre compte des processus d'apprentissage des connaissances à l'Université / l'Ecole (Crahay, 2000). La pédagogie n'est pas restée en reste, puisque nous verrons les spécialistes élaborer et proposer des modèles d'enseignement, généralement linéaires .
Mais cette situation a commencé à évoluer dès la fin du 20ème siècle, sous l'influence d'une autre culture, gérée cette fois par les TIC et la raison numérique. L'évolution se passe à tous les niveaux :
- au niveau de la terminologie d'abord : on ne parle plus seulement de savoirs et de connaissances, mais de données (data) et d'informations... ;
- au niveau de la structure des « savoirs » eux-mêmes : à la linéarité et à la progression logique du texte écrit, se substitue l'arborisation du site Web qui, avec ses liens, ce qui va permettre à l'internaute d'ouvrir des pages dans les pages, à l'infini (Salomon, 1999). Cette nouvelle situation va rendre les méthodes d'enseignement linéaires, jusque-là utilisées à l'Université, quasi caduques (Hadwin, 2010).
- au niveau du rapport au savoir tant chez l'enseignant (qui n'est plus le seul détenteur du savoir et qui doit de ce fait moduler ses techniques d'enseignement) que chez l'étudiant, qui adopte avec les TIC et Internet, de nouvelles stratégies d'appropriation du savoir, pas toujours respectueuses de la propriété intellectuelle des auteurs (Zimmerman, 2011).
Le cas de l'EAD est ici très emblématique de ce changement de paradigme, car il résume l'ensemble des transformations subies par les processus d'enseignement et d'apprentissage à l'Université, durant les 20 dernières années. Il a donné lieu à une nouvelle pédagogie qui n'a rien à voir avec la pédagogie du présentiel, à savoir la pédagogie numérique (Bouraoui, 2004).
Cette communication, dédiée à l'analyse des nouveaux processus d'enseignement et d'apprentissage dans le paradigme de l'EAD (avec usage des TIC), essaie de répondre aux (2) questions suivantes :
- Quel a été l'impact des TIC sur les techniques d'enseignement et sur la diversification de la fonction « d'enseignant » dans l'EAD (concepteur de cours, designer du cours, tuteur...)
- Quel a été l'impact des TIC sur les stratégies d'apprentissages des étudiants, dans l'EAD (autonomie, techniques de captation des connaissances, stratégies de régulation...)
Nous répondrons à ces questions, en nous appuyant sur les résultats de deux enquêtes empiriques, réalisées en 2013, au sein de l'Université Virtuelle de Tunis : la première porte sur la structure des cours à distance et les nouvelles techniques pédagogiques utilisées par les « enseignants » en EAD numérique au sein de l'Université virtuelle de Tunis. Pour ce faire nous avons analysé un échantillon de 10 cours dispensés au niveau du Master Mome.
La seconde porte sur les stratégies d'apprentissage mises en place par un échantillon de 40 étudiants inscrits au même Master. La méthode utilisée a consisté à analyser les traces laissées par les apprenants sur la Plateforme de l'UVT, en utilisant les indicateurs d'une grille élaborée pour l'occasion.
La communication sera structurée autour de quatre paragraphes:
1- Une introduction où sera présentée la revue de la littérature et la problématique,
2- La méthodologie, où nous exposerons les techniques utilisées pour analyser les cours de l'UVT et les traces laissées par les étudiants sur la plateforme de l'UVT,
3- Les résultats où seront exposés et commentés les résultats des 2 recherches empiriques,
4- La discussion qui abordera les limites de la recherche et la comparaison de nos résultats avec les publications. Une conclusion qui ouvre d'autres perspectives de recherche clôturera la communication.
Bibliographie
- Authier, A. (2001). Learning in the Twenty-First Century, Interactive Multimedia Technology, University of California, Irvine.
- Bouraoui, K. (2004). Introduction à la pédagogie numérique. Tunis : ATURED
- Chabchoub, A. (2013). Dématérialisation des savoirs et nouvelles stratégies d'apprentissage à l'université. 5ème Congrès de l'ISKO Maghreb, Marrakech, 7-9 Novembre 2013
- Ezzina R., Selmi S., (2006). L'acceptation de l'EAD par les étudiants tunisiens : approche par le modèle d'acceptation de la technologie Communication présentée au Congrès de TICE Med, Gênes, Italie.
- Hadwin, Allyson F., Mika Oshige, Carmen L.Z. Gress, et Philip H. Winne. (2010). « Innovativeways for using Study to orchestrate and research social aspects of self-regulated learning ». Computers in Human Behavior 26 (5), 794‑805.
- Jézégou A. (2011). Regard sur les strategies d'autorégulation environnementale d'étuiants adultes. SAVOIRS : Revue Internationale de Recherches en Education et Formation d'Adultes, 24, 79‑99
- Lebrun, M. (2000). Les Tics pour enseigner et apprendre. Bruxelles : De Boeck.
- Salomon, G. (1999). Interaction of Media, Cognition and Learning. San Francisco : Jossey, Bass
- Zimmerman B-J. (2011). Motivational sources and outcomes of self-regulated learning and performance. In Zimmerman, & Schunk (Eds.), Handbook of sel fregulation of learning and performance (pp. 49–64). New York: Routledge