Notre travail de recherche analyse les usages numériques informels des enseignants du primaire en Haute-Garonne, et leur effet sur leur développement professionnel. En effet, personne ne s'oppose au fait que le métier de l'enseignant est un métier qui s'apprend de jour en jour, quel que soit le pays concerné. Les savoirs à transmettre, la maîtrise des connaissances, l'actualisation du savoir, les publics scolaires et les attentes de la société transforment le travail de l'enseignant (Feyfant, 2007). A l'école primaire, les enseignants doivent être polyvalents car ils ont un champ disciplinaire plus large et ils ne sont spécialistes dans aucune d'entre elles. (Baillat, Espinoza, et Vincent, 2001). Aux manuels scolaires s'ajoutent d'autres ressources comme les documents de formation initiale et continue, les revues spécialisées, ou bien encore les usages numériques. Ces derniers sont donc le cœur de notre recherche.
L'arrivée en masse des usages numériques ( sites pédagogiques, forums, réseaux sociaux, etc.) sur la toile a permis un accès rapide aux informations et au partage des connaissances. Cette évolution touche tous les secteurs d'activité et toutes les professionnels. L'éducation et l'enseignement n'y échappent pas. Aujourd'hui, les enseignants sont amenés à découvrir et utiliser certains usages des TIC dans l'exercice de leurs activités professionnelles ou personnelles. Balanskat et al (2006, p.46) montrent qu'« avec les TIC, l'enseignant a tendance à devenir plutôt un conseiller, le partenaire d'un dialogue critique et le responsable d'un domaine de connaissance spécifique ». Ces outils numériques apparaissent comme une nouvelle porte ouverte à de multiples formes d'apprentissages formels ou informels. (Lewandowski, 2003).
De plus, « Ils peuvent être en contact n'importe où, et n'importe quand ». Jones et Rafaeli (1999, p.236). Ce qui nous amène à nous interroger sur leur développement professionnel.
Chabchoub (2007) définit quant à lui les TICs « comme l'ensemble des technologiques numériques utilisant l'ordinateur dans le but de chercher et de diffuser des informations et/ou optimiser la communication ».
Nous pouvons classer ces outils numériques en deux grandes catégories (Chabchoub, 2007) :
La communication asynchrone : les forums de discussions, les blogs et les sites personnels qui permettent à des interlocuteurs d'échanger, de discuter et de travailler en collaboration.
La communication synchrone : permet aux interlocuteurs de discuter en temps réel, soit par messagerie instantanée, soit par vidéo conférence.
De récentes recherches ont montré l'importance du développement professionnel grâce aux nouvelles technologies. Barnett (2002) souligne que la participation à des communautés d'enseignants en ligne favorise l'apprentissage informel dans le milieu du travail permettant ainsi aux enseignants d'échanger de manière sociale et professionnelle avec leurs collègues. Depuis près d'une décennie, plusieurs recherches indiquent l'importance du développement professionnel des enseignants, lequel consiste en un processus de construction des compétences qui seront mobilisées tout au long de leur vie professionnelle. Le concept de développement professionnel est polysémique. En s'appuyant sur les travaux de Knight (2002), le développement professionnel peut être vu comme un processus qui permet la révision et le renouvellement des connaissances. De plus, Huberman (1995) évoque que le développement professionnel est basé sur un réseau « open collective cycle ». Huberman souligne l'importance des réseaux humains dans le développement professionnel des enseignants. Ce développement est avant tout le fruit d'un travail collaboratif entre les enseignants. D'ailleurs, d'après Day (1999), le dialogue et l'échange sont primordiaux entre les enseignants pour se développer professionnellement. De même, Hord (1997) souligne qu'il existe plusieurs avantages pour les enseignants participant aux réseaux sociaux et professionnels. En effet, cela permet aux enseignants de réduire leur isolement, de travailler en groupe, de partager les expériences et de chercher des informations. Krishner et Wopereis (2003), indiquent que les nouvelles technologies favorisent la communication et l'interaction entre les membres et permettent de construire de nouvelles connaissances.
En parallèle de la formation initiale et continue de l'enseignant, l'enseignant acquiert de nouveaux savoirs de manière informelle en parlant, échangeant avec ses collègues, en agençant ses actions dans une pratique d'intelligence collective et collaborative. Ces échanges de savoir étant catalysés par l'émergence des usages numériques durant ces dernières années.
Nous pouvons dire que le travail de l'enseignant s'étale sur deux temps : le « dans les murs » et le « hors des murs » avec une part du travail « hors des murs » qui ne cesse de prendre de l'ampleur à cause de nouvelles compétences qu'ils doivent acquérir comme l'indique le B.O. n° 29 du 22 juillet 2010 (comme par exemple : travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l'école, maîtriser les technologies de l'information et de la communication).
Notre recherche va donc tenter de mettre en lumière le rôle des TIC que les enseignants déploient et qui agissent en retour sur leur développement professionnel.
Plusieurs questions dans cette recherche peuvent être formulées:
- Les usages informels des TIC par les enseignants du primaire contribuent-ils plus ou moins favorablement à leur développement professionnel ?
- Les caractéristiques personnelles des enseignants ont-ils un impact sur les usages informels TIC ?
- Quels sont les usages personnels informels utilisés par les enseignants ? Des outils de transmissions des savoirs (Google, etc), des usages favorisant l'échange entre les autres pairs (blogs, forums, etc), des usages incitant leur travail personnel ?
Les données primaires de notre recherche s'appuient sur une enquête quantitative (500 enseignants) afin de typologiser les usages et définir des modes de conduites numériques homogènes. Cette enquête nous a amené à étudier l'ensemble des connaissances, fréquences, opinions et attitudes de ces enseignants à l'égard de leurs usages personnels informels. Nous avons ensuite effectué des entretiens semi-directifs avec des enseignants caractéristiques des usages numériques afin de comprendre les interrelations entre usages numériques et développement professionnelles. Nos résultats nous permettent de confirmer qu'en dehors des murs de la classe, l'enseignant agit en professionnel. L'enseignant s'appuie sur des usages numériques personnelles pour entrer en réseau, rechercher des informations, confronter son point de vue. Les enseignants du primaire entre dans l'ère de la technologie pour se développer professionnellement. Les ressources numériques deviennent des leviers de professionnalisation. L'enseignant se forme au sein des univers numériques, il perfectionne ses pratiques et ses compétences professionnelles.
Notre communication cherche donc à apporter des éléments de description et de compréhension du processus de développement professionnel en validant le rôle important joué par les technologies de l'information et de la communication dans cette partie peu étudié du métier d'enseignant dans les écrits scientifiques. Les réseaux numériques et les ressources nouvelles deviennent donc des espaces structurant de la préparation de la classe, un véritable métier invisible qui est très peu connu.
Bibliographie
Livres :
Chabchoub, A. (2007). Introduction à la pédagogie numérique. Tunis : Atured.
Day, C. (1999). Developing teachers. The challenges of life long learning. Londres: FalmerPress.
Hord, S. M. (1997). Professional learning communities: Communities of continuous inquiry and improvement. Austin, TX: Southwest Educational Development Laboratory.
Lewandowski, J-C. (2003). Sur les nouvelles façons de former : le e-learning, enjeux et outils. Paris : Editions d'organisation.
Revues :
Balanskat, A., Blamire, R. & Kefala, S. (2006). The ICT impact report : A review of studies of ICT impact on schools in Europe. European Schoolnet.
Baillat, G., Espinoza, O. & Vincent, J. (2001). De la polyvalence formelle à la polyvalence réelle : une enquête nationale sur les pratiques professionnelles des enseignants du premier degré. Revue française de pédagogie, n°134, 123-138.
Feyfant, A. (2007). Transformations du travail enseignant : Finalités, compétences et identités professionnelles. Lettre d'information de la VST, n°26.
Huberman, M. (1995). Networks That Alter Teaching : conceptualizations, exchanges and experiments. Teachers and Teaching : theory and practice, Octobre 1995, 193-211.
Jones, Q., Rafaeli, S. (1999). User population and user contributions to virtual publics: a system model. ACM's International Conference on Supporting Group Work. Phoenix, Arizona : ACM Press.
Karsenti, T., Depover, C. & Komis, V. (2007). Enseigner avec des technologies. Favoriser les apprentissages, développer des compétences. Québec : Presse de l'université du Québec.
Kirschner, P., & Wopereis, I.G.J.H. (2003). Mindtools for Teacher Communities: a European perspective. Technology, Pedagogy and Education, n°1, 105-123.
Knight, P. (2002). A Systemic Approach to Professional Development: Learning as Practice. Teaching and Teacher. Education, n°18, 229-241.
