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Dans le contexte actuel de crises économique et financière, d'amplification de la concurrence, de compétitivité mondialement accrue, la tendance est au renouvellement des formes organisationnelles : externalisation, internationalisation, distanciation... (Cousserand, Blin, 2010). Les modes de travail se modifient, amenant les réflexions sur l'articulation entre les redéfinitions organisationnelles et les ambitions en termes de productivité. Différents outils de communication peuvent être adoptés, comme les réseaux sociaux numériques, les sites internet et intranet, les journaux internes, les plaquettes... Du fait des interactions constitutives induites notamment par les dispositifs du web 2.0, nous assistons au « passage d'une communication verticale propre aux médias traditionnels, à une communication horizontale ou “many to many” » (Quoniam, 2010 : 10). Parmi ces outils, Facebook, avec près d'1,2 milliards d'utilisateurs dans le monde[1], est le plus grand espace communautaire numérique (Ertzscheild et al., 2010). En fonction des objectifs cognitif, affectif et/ou conatif définis, il peut par exemple servir aux organisations à valoriser leurs actions, à promouvoir leurs images, mais aussi à créer du lien avec les collaborateurs, renforcer un sentiment de proximité (Tuten, Solomon, 2013). Dans le but de pallier la complexité et la pluralité des transformations induites, les préoccupations des organisations sont donc entre autres à la compréhension des pratiques individuelles et collectives des individus sur ces outils.
Nous nous proposons d'éclairer la construction collective des pratiques numériques salariales dans un contexte de renouvellement de formes organisationnelles. Nous positionnant dans une épistémologie de convention constructiviste (Le Moigne, 2001), nous étudions ces pratiques en les déconstruisant afin d'identifier les agents humains et non-humains (Latour, 2007), leurs interactions et les contextes. En reconstruisant la chaîne d'agentivité, nous déterminons les capacités des agents à « agir sur » et/ou à « faire agir » (Cooren, Taylor, Van Every, 2006).
Le terrain investi est SOGECLAIR aerospace, acteur international dans le domaine de l'ingénierie et de l'industrie aérospatiale. Avec plus de huit cent salariés, cette entreprise est localisée dans six pays : la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Angleterre, la Tunisie et le Canada. Activité fondée majoritairement sur des processus de productions collectives des salariés (Morillon, Bouzon, 2009), la croissance de SOGECLAIR aerospace à l'international peut potentiellement favoriser l'émergence de tensions organisationnelles : cultures divergentes, barrières de la langue, définition des légitimités hiérarchiques, diversité des modes de travail et de vie... (Hotier, 1996 ; Bonnet, 2002). Initié en 2012, un des axes du projet « Aerospace SOGECLAIR Adapatation Project » consiste en l'amélioration de la performance des « forces humaines » de l'organisation, se traduisant par exemple par la structuration progressive d'un organe communication en transnational. En outre, cette réflexion est enrichie à plus court terme par la réalisation d'événements et la gestion d'outils dont certains sont numériques, comme l'animation d'une page Facebook, d'un compte LinkedIn et Viadeo ou encore d'une chaîne Youtube.
Notre recherche vise à éclairer, du moins en partie, le processus de construction collective de l'activité de communication transnationale de SOGECLAIR aerospace. Chargée de recherche en communication en CIFRE[2] dans cette organisation, nous mettons en œuvre, dans une perspective compréhensive, une méthodologie qualitative ad hoc. Usant de l'observation participante, nous nous focalisons en particulier sur une action d'envergure transnationale en lien avec la politique réflexive de structuration de la communication, et possédant un axe numérique : la construction du « guide de bonne utilisation des réseaux sociaux ». Nous menons deux types de collectes documentaires : un recueil des textes oraux et écrits, notamment des remarques et des comportements concernant l'élaboration et la diffusion du guide ; un recueil de données statistiques concernant le taux d'adhésion aux réseaux socio-numériques présentés dans le guide sur le mois de sa diffusion. Enfin, nous réalisons une analyse de contenu mixte de ces documents. A partir de la page Facebook, le dispositif numérique est analysé en fonction des liens apparents avec d'autres outils de communication.
La mise en évidence des pratiques numériques salariales dans le cadre de cette action de communication orientée vers l'ensemble des entités de l'organisation nous permet de discuter en partie le phénomène de co-construction de la communication dans un contexte de renouvellement organisationnel transnational. Cette étude, à visée exploratoire, ne nous permet pas de fournir des résultats généralisables. En outre, en questionnant les relations entre individus et dispositifs techniques, cette communication s'inscrit plus largement dans des problématiques actuelles de réflexions sur les pratiques communicationnelles de management en contexte numérique généralisé[3].
Dans une première partie, les outils de communication numérique des organisations et notamment le réseau social Facebook sont abordés. La problématique et la méthodologie sont ensuite introduites. Enfin dans une dernière partie, une discussion sur les tensions entre dispositifs numériques et enjeux de renouvellement des formes organisationnelles est initiée.
Bibliographie indicative
Baudry, G., Morillon, L., (2013). « "Manager" la "communauté" des réseaux sociaux ? ». In Colloque international Org&Co : Communications organisationnelles et management en contexte numérique généralisé (Nice, 3-5 octobre), 251-259.
Bonnet, R., (2002). « L'évolution des modèles organisationnels et communicationnels à l'épreuve de la complexité et de l'interculturalite ». Communication et organisation, 22.
Cooren, F., Taylor, J.R., Van Every, E.J., (2006). Communication as Organizing – Empirical and Theoretical Explorations in the Dynamic of Text and Conversation. London: LEA.
Cousserand, I., Blin, D., (Eds.), (2010). « La communication à l'épreuve des mutations économiques ». Communication et organisation, 37.
Ertzscheid, C., Faverial, B., Guégen, S., (2010). Le Community Management. Stratégies et bonnes pratiques pour interagir avec vos communautés. Diateino.
Hotier, H., (1996). « La communication internationale des organisations à l'épreuve des cultures nationales et de la culture d'entreprise ». Communication et organisation, 10.
Latour, B., (2007). « Une sociologie sans objet ? Remarques sur l'interobjectivité ». In Debary, O., Turgeon, L., Objet et mémoires. Québec : PUL.
Le Moigne, J.L., (2001). Le constructivisme. Tome I. Les Enracinements, Paris : L'Harmattan.
Morillon, L., Bouzon, A., (2009). « Les injonctions paradoxales de la communication interne en période de tensions organisationnelles ». Etudes de communication, 33, 189-202.
Quoniam, L., (2010). « Introduction - Du web 2.0 au concept 2.0 ». Les Cahiers du numérique, 6, 9-11.
Tuten, T.L., Solomon, M.R., (2013). Social Media Marketing. Upper Saddle River, NJ : Pearson.
