Penser les techniques et les technologies : Apports des Sciences de l'Information et de la Communication et perspectives de recherches
4-6 juin 2014 Toulon (France)

Actes - Consultation par auteur > Paquelin Didier

Vendredi 6
Education et apprentissage
Regards croisés sur l’EAD - discutant : Laurent Collet
› 8:30 - 9:00 (30min)
› Salle 223
Apprendre et réussir ses études à distance : dimensions socio-affectives de la communication médiatisée
Clément Dussarps * , Didier Paquelin  1@  
1 : médiation, information, communication, art  (MICA)  -  Site web
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III : EA4426
MSHA, 10 esplande des antilles, 33607 pessac cedex -  France
* : Auteur correspondant

Depuis le déploiement des dispositifs de formation à distance, et plus récemment des MOOCs (Massive Open Online Courses) un constat récurrent est établi par les chercheurs : l'abandon. Abandon volontaire pour les uns qui cherchent par cette modalité à obtenir des ressources ou tout simplement découvrir de nouvelles pratiques pédagogiques, ou involontaire pour d'autres qui n'ont pu persévérer jusqu'à l'aboutissement de leur projet. Cet abandon se traduit par un taux de réussite très souvent inférieur à celui obtenu par les étudiants suivant un cours identique sur campus. Volontaires au départ pour cette modalité, nous cherchons à comprendre la baisse de persévérance des étudiants. De nombreux auteurs, (Desmarais, 2000 ; Sauvé 2007) montrent l'importance de la coopération, la qualité du tutorat, ainsi que les facteurs individuels présents chez les étudiants dans la persévérance. Nous nous intéressons plus particulièrement aux dimensions socio-affectives engagées dans les différentes actions de communication avec les enseignants, les pairs et l'entourage.

Nous souhaitons dans cette contribution comprendre de quelles manières les relations sociales médiatisées qu'entretient un apprenant à distance avec les différents acteurs de son environnement contribuent à sa persévérance en formation, c'est-à-dire à l'absence d'abandon (Barbier et al., 2006). Nous étudierons cette question sous l'angle de la dimension affective, que Trocmé-Fabre définit comme ce qui « gère nos rapports avec le monde extérieur (étymologiquement : elle nous « met dans tel ou tel état ») et fonde notre réalité existentielle » (1987, p. 94). Plus précisément, c'est l'ensemble des émotions et sentiments, les premiers étant définis comme une réaction soudaine (Max Pagès, 1986), observable et universelle (Ekman, 1987), alors que les seconds sont plus stables et durables, intériorisés et subjectifs (propres à l'individu) (Merleau-Ponty, 1945 ; Sander, Scherer et al., 2009). Les apprenants (et plus généralement tout individu) étant résolument inscrits dans un environnement social comprenant les enseignants, les apprenants et leur entourage, nous parlerons de dimension socio-affective.

La dimension socio-affective en situation de formation peut être étudiée de manière plus particulière. Nous mobilisons pour la définir des auteurs issus de différentes disciplines des sciences humaines : notamment des psychologues (Vygotski, 1933/1997 ; Bandura, 1986 ; Rogers, 1984 ; Dupont, 2010), chercheurs en sciences de l'information et de la communication (Jacquinot, 1998 ; Mœglin, 2005 ; Paquelin, 2009) et de l'éducation (Lafortune, 1992 ; Jézégou, 1998). Les différentes approches des auteurs mobilisés ont permis d'établir un cadre d'analyse pour l'investigation. Dans cette communication, ce sont en particulier les sentiments de confiance en l'Autre, d'appartenance et de solitude qui seront développés. La confiance participe à créer un climat de sécurité en formation qui favorise l'apprentissage et le travail en groupe (Giordan, 1996 ; Postic, 2001). Dans les relations, c'est à la fois l'écoute et l'empathie, le soutien, la bienveillance et la croyance que l'Autre pourra répondre à ses attentes (Bidault et Jarillo, 1995, p. 113). La confiance est la base nécessaire au sentiment d'appartenance, qui lui résulte du désir de faire partie et d'être reconnu comme faisant partie de groupes, en contexte d'apprentissage « la famille, les pairs, l'école, la classe » (Charles, 1997, p. 110). Pourtant, à distance, dans la solitude qui peut s'installer (Glikman, 2002, p. 242) et « à cause » de la virtualisation des relations, Eneau (2007) considère que l'on ne peut créer qu'un artefact de communauté.

Il s'agit alors de comprendre comment, malgré la distance, se créent des liens qui favorisent voire permettent la réussite. Les questions auxquelles cette contribution souhaite répondre sont multiples : comment dans ce contexte de distance, les relations socio-affectives que les apprenants entretiennent avec les différents acteurs du dispositif et hors dispositif participent-elles à leur engagement et leur persévérance dans ces dynamique de formation à distance ? La médiatisation de ces échanges vient-elle renforcer ou au contraire freiner leurs interactions sociales ? Et enfin, de quelle manière ces relations médiatisées participent-elles à leur persévérance ?

Pour répondre à ces questions, nous avons réalisé une enquête quantitative auprès d'apprenants en FOAD d'universités françaises et québécoises (490 réponses) sur une période complète de formation, soit une année pour les étudiants français et une session pour les étudiants québécois. Réalisée en deux étapes, en début de formation et en fin de formation, cette enquête recueille des données socio-affectives et socio-démographiques des apprenants durant leur parcours de formation. Nous avons cherché par cette double investigation à caractériser leurs attentes à l'entrée en formation ainsi que leur sentiment initial de réussite de leur projet, et à étudier l'évolution des variables socio-affectives durant leur parcours. Les données obtenues ont pu être croisées avec le résultat administratif de chaque apprenant (réussite, échec ou abandon de la formation) recherchant à identifier les éventuelles corrélations entre l'état socio-affectif initial des apprenants, leur vécu en cours de formation et leur réussite. Afin d'approfondir ces données, 29 entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès d'apprenants persévérants ou ayant abandonné selon une grille des éléments socio-affectifs identique à celle utilisée pour les questionnaires.

Après un rappel des éléments théoriques sur lesquels s'appuiera l'analyse, notre communication proposera de caractériser les dispositifs de FOAD, en particulier ceux étudiés : quelles ressources humaines et techniques mettent-ils à disposition des apprenants ? Nous analyserons alors les interactions sociales des apprenants en FOAD, et leur vécu des relations médiatisées qu'ils entretiennent avec les différentes catégories d'acteurs. Enfin, nous verrons de quelle manière l'entretien ou au contraire l'absence de ces relations sociales participent à leur persévérance en FOAD. L'ensemble des données recueillies nous permettront notamment de croiser les résultats obtenus à des données socio-démographiques (e.g. sexe, âge, situation professionnelle), propres aux études (e.g. niveau de formation, outils proposés) ou encore culturelles (Français ou Québécois). Nous reviendrons sur cette dimension culturelle pour montrer notamment que certaines dimensions transcendent la distance et sont davantage liées à des pratiques et à des considérations pédagogiques préalables qui sont culturellement situées. Les outils méthodologiques mobilisés pour la collecte de données seront repris en conclusion pour présenter une esquisse d'une modalisation d'aide à l'appréciation de la réussite des étudiants en fonction de variables internes et externes aux apprenants.

Références bibliographiques

Bandura, A. (1986). Social foundations of thought and action: a social cognitive theory. Prentice-Hall.

Barbier, J.-M. (2006). Constructions identitaires et mobilisation des sujets en formation. Paris: L'Harmattan.

Bidault, F., & Jarillo, J. C. (1995). La confiance dans les transactions économiques. In Confiance, entreprise et société (p. 109‑123). Editions ESKA.

Charles, C. M. (1997). La discipline en classe: modèles, doctrines et conduites. De Boeck Supérieur.

Lise Desmarais, « La persévérance dans l'enseignement à distance - Une étude de cas », Alsic [En ligne], Vol. 3, n° 1 | 2000, document alsic_n05-rec5, mis en ligne le 15 juin 2000, Consulté le 05 janvier 2014. URL : http://alsic.revues.org/1780 ; DOI : 10.4000/alsic.1780

Dupont, S. (2010). Seul parmi les autres le sentiment de solitude chez l'enfant et l'adolescent. Toulouse: Érès.

Ekman, P., & et al. (1987). Universals and cultural differences in the judgments of facial expressions of emotion. Journal of Personality and Social Psychology, 53(4), 712‑717.

Eneau, J. (2007). Autoformation et nouveaux dispositifs de formation en situation de travail : construire la confiance à distance. A distance : apprendre, travailler, communiquer, 187‑200.

Giordan, A. (1998). Apprendre. Paris: Belin.

Glikman, V. (2002). Des cours par correspondance au e-learning: panorama des formations ouvertes et à distance. Presses Universitaires de France - PUF.

Jacquinot, G. (1998). Le tutorat dans la FAD : qu'est-ce qu'un tuteur ? Le tutorat en FAD, le rôle des technologies– cours dans le cadre du réseau africain de formation à distance (RESAFAD).

Jézégou, A. (1998). La formation à distance: Enjeux, perspectives et limites de l'individualisation. Editions L'Harmattan.

Lafortune, L. (1992). Dimension affective en mathématiques. De Boeck Supérieur.

Merleau-Ponty, M. (1945). Phénoménologie de la perception. Gallimard.

Moeglin, P. (2005). Outils et médias éducatifs: une approche communicationnelle. Grenoble: Presses universitaires de Grenoble.

Pagès, M. (1986). Trace ou sens: le système émotionnel. Hommes et groupes éditeurs. 

Paquelin, D. (2009). L'appropriation des dispositifs numériques de formation: Du prescrit aux usages. L'Harmattan.

Postic, M. (2001). La relation éducative. Paris: Presses universitaires de France.

Sauvé, L, el al. (2007) « Soutenir la persévérance des étudiants (sur campus et à distance) dans leur première session d'études universitaires » in RIPTPU, 2007 4(3), pp. 58-72

Rogers, C. R. (1984). Liberté pour apprendre ? Dunod.

Sander, D., & Scherer, K. R. (2009). Traité de psychologie des émotions. Paris: Dunod.

Trocme-Fabre, H. (1986). J'apprends, donc je suis. Editions d'Organisation.

Vygotski, L. S., & Piaget, J. (1997). Pensée et langage. Paris: La Dispute.


Personnes connectées : 3