Penser les techniques et les technologies : Apports des Sciences de l'Information et de la Communication et perspectives de recherches
4-6 juin 2014 Toulon (France)

Actes - Consultation par auteur > Gleonnec Mikael

Vendredi 6
Organisations
discutants : Béatrice Vacher et David Douyere
› 10:00 - 10:30 (30min)
› Salle 221
Usage des technologies d'information et de communication et risques psychosociaux : le processus de rétribution dans les situations de travail à distance
Mikael Gleonnec  1@  
1 : Laboratoire des Sciences de l'Information et de la Communication  (LABSIC)  -  Site web
Université Paris XIII - Paris Nord : EA1803
UFR des Sciences de la Communication Maison des Sciences de l'Homme 99 av. Jean-Baptiste Clément 93430 Villetaneuse -  France

Les technologies d'information et de communication sont souvent mobilisées par les processus organisationnels pouvant conduire à l'apparition de troubles psychosociaux, qu'il s'agisse du processus de définition du travail demandé, du processus de surveillance et de contrôle des activités ou du processus d'évaluation et de rétribution. Nous verrons, dans cette communication, comment ces technologies atténuent ou amplifient les logiques organisationnelles pouvant être à l'origine d'une souffrance au travail, en fonction des dispositifs dans lesquels elles sont intégrées et en fonction de l'usage de ces dispositifs. Nous nous intéresserons plus particulièrement au rôle joué par les TIC dans la reconnaissance du travail réalisé, en nous appuyant sur plusieurs études antérieures traitant de la structuration du lien social dans l'organisation.

Une conception processuelle et communicationnelle de l'organisation conduit à s'interroger, pour comprendre l'origine de la souffrance au travail, sur les traces laissées par les processus organisationnels, sur les dispositifs de mémoire et, enfin, sur les médiations qui permettent de reconstituer l'histoire des processus et de prédire leur performance (Le Moënne, 2008) (Grosjean & Bonneville, 2009) (Parrini-Alemanno, 2008). Elle conduit également à appréhender la dimension temporelle de chaque processus ainsi que ses relations avec les autres processus, afin de saisir les discontinuités, les accélérations ou les ralentissements qui s'opèrent, mais aussi les temps d'ajustement (Le Moënne, 2008). Une telle approche, ancrée en sciences de l'information et de la communication, offre des perspectives nouvelles en matière de compréhension et de prévention des risques psychosociaux, qui complètent les modèles d'analyse existants en explicitant la dimension organisationnelle et collective de la structuration du lien social.

L'absence d'une rétribution matérielle ou symbolique perçue comme équitable et suffisante, en échange d'un travail, est considérée comme une des principales causes de troubles psychosociaux (Karasek & al. 1998) (Siegrist, 1996) (Adams, 1965). La question de la structuration de la reconnaissance, en tant que forme du lien social dans l'organisation, se trouve ainsi au cœur de l'analyse des risques psychosociaux (Gernet & Dejours, 2009) (Payet & Battegay, 2008) (Honneth, 2000). L'information, la communication et les dispositifs sociotechniques qu'elles mobilisent jouent un rôle considérable dans le processus qui permet à la reconnaissance de se structurer, qu'il s'agisse de conserver les traces laissées par le travail, d'interpréter ces traces ou de communiquer à d'autres ces interprétations. C'est ce rôle que nous nous proposons de préciser en analysant les sous-processus qui entrent en jeu dans la structuration de la reconnaissance : (1) la définition de critères d'évaluation, (2) la communication des traces du travail réalisé, (3) la structuration d'un jugement par ceux qui ont le pouvoir de reconnaître et, enfin, (4) la communication de ce jugement sous la forme d'une rétribution matérielle ou symbolique.

Dans ce cadre, nous verrons comment les technologies d'information et de communication contribuent à la dynamique des processus à l'origine de la reconnaissance au travail, en atténuant ou en amplifiant les logiques organisationnelles dominantes qui président à la définition des objectifs, des processus et des procédures ainsi qu'au contrôle des activités et à l'évaluation des résultats. Nous verrons en quoi ces logiques, ces dispositifs et leurs effets combinés varient d'une organisation à l'autre, en fonction du rapport de force entre les parties en présence mais aussi des modes de management et des formes de médiation. Nous appuierons notre analyse sur trois études réalisées entre 2000 et 2009, portant sur la structuration du lien social et du changement organisationnel dans différentes formes de travail en réseau et à distance : des situations de télétravail salarié, des formes de travail en réseau dans un contexte de défiance organisationnelle et, enfin, des situations de travail à distance impliquant une collaboration entre groupes professionnels concurrents. Ces études, de type qualitatif, reposent sur trois séries d'entretiens auprès de professionnels travaillant à distance avec tout ou partie de leur équipe.

Plan de la communication

1. Cadre conceptuel

- Une approche processuelle et communicationnelle des risques psychosociaux

- Le rôle des TIC : dispositifs de mémoire et médiations autour des traces de l'activité

2. La définition des critères d'évaluation et la communication des traces de l'activité

- L'importance de la visibilité et de la lisibilité du travail réalisé

- TIC et processus de définition des critères d'évaluation

- TIC et mise en scène des traces de l'activité

3. La structuration du jugement du travail réalisé

- Jugement d'utilité et jugement de beauté

- Le rôle des TIC dans les médiations permettant de structurer un jugement

4. La rétribution matérielle et symbolique du travail

- Différentes formes de rétribution à l'origine de la reconnaissance

- La communication et la perception via les TIC de la rétribution du travail réalisé

 

Références bibliographiques

Adams, J.S. (1965). Inequity in social exchange. Advances in experimental social psychology, vol. 2, 267-299.

Baudry, P. (1997). Les conciliations dans les sociétés traditionnelles. Communication et organisation [En ligne], URL : http://communicationorganisation.revues.org/1912.

Carayol, V., (2000). Pour une approche communicationnelle de la qualité. Communication et Organisation. 17. En ligne http://communicationorganisation.revues.org/2373

Clot, Y. (2010). Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux. Paris : La Découverte.

Gernet, I. & Dejours, C. (2009). Évaluation du travail et reconnaissance. Nouvelle revue de psychosociologie, n° 8, 27-36.

Giddens, A. (1987). La constitution de la société. Paris : Presses Universitaires de France.

Grosjean, S. & Bonneville, L. (2009). Saisir le processus de remémoration organisationnelle des actants humains et non humains au cœur du processus. Revue d'anthropologie des connaissances, 2009/2 Vol. 3, n° 2, p. 317-347. DOI : 10.3917/rac.007.0317

Honneth, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance. Paris : éditions du Cerf.

Karasek, R., Brisson, C., Kawakami, N., Houtman, I., Bongers, P. & Amick, B. (1998). The Job Content Questionnaire (JCQ): An Instrument for Internationally Comparative Assessments of Psychosocial Job Characteristics. Journal of Occupational Health Psychology, Vol. 3, n°. 4, 322-355.

Klein, T. & Govaere, V. (2012). Impacts des TIC sur le bien-être et la santé au travail. In Klein, T. & Ratier, D. L'impact des TIC sur conditions de travail (pp. 161-183). Paris : Direction générale du travail.

Le Moënne, C. (2008). L'organisation imaginaire ? Communication & Organisation, n°34, 130-152. [En ligne], URL : http://communicationorganisation.revues.org/637#text

Parrini-Alemanno, S. (2008). La culture et les communications dans les organisations, modélisation de processus de médiatisation pour des enjeux identitaires. In Les dispositifs de médiation organisationnelle, technologique et symbolique dans la communication des organisations : actes du colloque (127-135). Nice : I3M.

Payet, J-P. & Battegay, A. (2008). La reconnaissance, un concept de philosophie politique à l'épreuve des sciences sociales, in Payet, J-P., Battegay, A. (eds). La reconnaissance à l'épreuve : explorations socio-anthropologiques. Villeneuve d'Ascq : Presses Universitaires du Septentrion.

Siegrist, J. (1996). Adverse Health Effects of High-Effort/Low-Reward Conditions. Journal of Occupational Health Psychology, Vol.1, N°1, 27-41.

Terssac (de), G. (2013). Malaises organisationnels : place, plainte et pente dangereuse. La nouvelle revue du travail. N°3, mis en ligne le 30 octobre 2013, consulté le 12 décembre 2013.: http://nrt.revues.org/1261


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