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Résumé:
Cette communication s'inscrira dans le premier axe – « société » – du XIXe congrès de la SFSIC et contribuera, d'un point de vue théorique, à l'analyse des enjeux démocratiques des usages d'Internet. Nous prendrons comme point de départ le problème qui, pour Peter Dahlgren, se situe au cœur d'un ensemble foisonnant de recherches sur les interrelations entre Internet et la démocratie : «dans quelle mesure et comment les médias numériques contribuent-ils à faciliter la participation [des citoyens à la démocratie]» (Dahgren, 2012). L'objectif de cette communication consistera alors à aborder ce problème dans les termes de la théorie politique de Jacques Rancière, dans l'idée de montrer comment cette perspective, défendant une conception radicale de la démocratie, ouvre la voie à de nouvelles pistes de recherche.
Il ne s'agira toutefois pas d'interroger toutes les dimensions de la participation politique en ligne, mais, plus spécifiquement, les formes de communication en ligne susceptibles de «s'institutionnaliser dans les procédures de décision politique» (Sintomer, 2011), d'influencer les processus de décision politique ou de conférer une légitimité aux décisions politiques dans nos démocraties occidentales. Autrement dit, nous nous intéresserons, à la lumière de la théorie politique de Jacques Rancière, au «parler politique en ligne» (Greffet et Wojcik, 2008).
Nous amorcerons notre argumentation en présentant les concepts fondamentaux de la théorie politique de Jacques Rancière (1995, 2004, 2012). Nous reviendrons alors sur une idée au cœur de ses travaux, à savoir l'identification de la démocratie non pas à un régime politique, que celui-ci soit plutôt favorable à la participation directe des citoyens ou à leur représentation, mais à des pratiques vérifiant la présupposition de l'égalité de n'importe qui avec n'importe qui. Nous développerons, ce faisant, les concepts sous-jacents à cette idée, en l'occurrence la présupposition de l'égalité de n'importe qui avec n'importe qui, la distinction entre «le politique, la police et la politique», «le partage du sensible», mais aussi le concept de «subjectivation».
Dans un second moment, nous reviendrons sur ce qui, dans la littérature scientifique, est habituellement identifié à des formes concrètes de communication politique en ligne. Nous discernerons par là même plusieurs catégories de phénomènes s'apparentant, dans les recherches existantes, à des discussions politiques médiatisées par Internet. Or, la théorie rancièrienne nous enjoindra précisément à déconstruire cette catégorisation. Nous aurons ainsi l'occasion de redessiner les contours du parler politique en ligne à partir des thèses rancièriennes.
Plus encore, nous tâcherons d'analyser la pertinence du recours au concept «d'espace public» (Habermas, 1988) dans les études sur le web politique. Nous défendrons, à l'opposé des recherches habermassiennes, l'idée selon laquelle le concept « d'espace public » ne permet pas, ultimement, de saisir la spécificité de ce qui est politique dans le parler politique en ligne, à savoir l'expression d'un dissensus. Nous plaiderons ainsi en la faveur d'une reproblématisation des discussions politiques en ligne à l'aide du concept rancièrien « d'espace polémique » (2004).
Bibliographie :
DAHLGREN, P., 2012, «Web et participation politique: quelles promesses et quels pièges?», Questions de communication, no. 21, pp. 13-24.
Greffet F., et S. Wojcik, 2008, « Parler politique en ligne », Réseaux, vol.4, no.150, pp. 19-50.
HABERMAS, J., 1988, L'espace public, Paris, Payot.
Rancière, J., 1995, La Mésentente, Paris, Galilée.
Rancière, J., 2004, Aux bords du politique, Paris, Gallimard.
Rancière, J.,2012, La méthode de l'égalité, Paris, Bayard.
SINTOMER, Y., 2011, «Délibération et participation : affinité élective ou concepts en tension ?», Participations, Vol.1, no.1, pp. 239-276.
